Un acte constatant la cession de toutes les parts d'une société mentionne l'existence d'une procédure judiciaire en cours concernant le bail des locaux loués par cette société, dans lesquels elle exerce son activité commerciale. La société ayant finalement perdu le procès et ayant été expulsée, l'acquéreur des parts agit en responsabilité contre l'avocat qui a rédigé l'acte de cession, auquel il reproche d'avoir manqué à ses obligations d'information et de conseil.
Pour rejeter cette demande, une cour d'appel retient que l'acte de cession inclut une clause intitulée « Litige en cours avec les bailleresses » mentionnant la délivrance d'un congé par le bailleur et le contenu de l'assignation, et le fait que la société locataire contestait le congé, entendant se prévaloir des dispositions relatives aux baux commerciaux devant les tribunaux ; pour les juges du fond, les conséquences du procès étaient ainsi évidentes et l'acquéreur ne pouvait pas se méprendre sur les risques attachés à son acquisition en l'état de la procédure en cours, risque qu'il avait délibérément accepté de courir en toute connaissance de cause.
La Cour de cassation censure cette décision : la responsabilité de l'avocat ne pouvait pas être écartée sans constater que celui-ci avait informé l'acquéreur de l'issue prévisible de cette procédure concernant les locaux dans lesquels était exercée l'activité de la société et rempli sa mission de conseil quant aux risques qui en découlaient.
A noter : En qualité de rédacteur d'acte, l'avocat est tenu d'une obligation d'information et de conseil envers toutes les parties en présence (Cass. 1e civ. 1-10-1986 n° 84-13.800 : Bull. civ. I n° 229) et il doit s'assurer de la validité et de l'efficacité des actes qu'il rédige (RIN art. 7.2). Le devoir de conseil s'impose à l'avocat quelles que soient les compétences personnelles de son client (Cass. 1e civ. 7-7-1998 n° 96-14.192 P : RJDA 1/99 n° 8) et il ne peut s'en exonérer, même partiellement, en excipant de la négligence de son client qui, connaissant lui-même ces éléments, aurait dû s'apercevoir de l'erreur commise (Cass. 1e civ. 17-1-2018 n° 16-28.100 F-D : RJDA 4/18 n° 295). La décision commentée montre qu'il ne peut pas non plus se prévaloir de l'évidence prétendue des éléments et des risques sur lesquels on lui reproche de n'avoir pas informé et conseillé son client.
En l'espèce où la société demandait la requalification de la convention d'occupation en bail commercial, et compte tenu de la prescription de deux ans applicable à une telle action (C. com. art. L 145-60), il existait vraisemblablement une forte probabilité que la locataire perde le litige. Il appartenait à l'avocat d'en informer l'acquéreur et de le conseiller sur les conséquences de la réalisation de ce risque.
Maya VANDEVELDE