Dans le but d'effectuer une opération de défiscalisation et sur les conseils d’une société financière, des époux achètent auprès d’une autre société des parts de copropriété d’un navire (appelées « quirats »). L’administration fiscale refuse le bénéfice de la réduction d’impôt escomptée au motif que le navire n’est pas éligible à la défiscalisation. Les époux demandent alors l’annulation de la vente pour erreur et dol ayant affecté leur consentement lors de la conclusion de celle-ci.
La Cour de cassation censure la décision de la cour d’appel de Paris ayant rejeté la demande. L'erreur qui tombe sur la substance même du bien qui est l'objet de la convention est une cause de nullité de celle-ci. Les parties peuvent convenir, expressément ou tacitement, que le fait que le bien, objet d'une vente, remplisse les conditions d'éligibilité à un dispositif de défiscalisation constitue une qualité substantielle de ce bien. La cour d’appel aurait dû rechercher si l'éligibilité des quirats au dispositif de défiscalisation en cause ne constituait pas une qualité substantielle du bien vendu, convenue par les parties et en considération de laquelle elles avaient contracté, de sorte que, dès lors qu'il aurait été exclu, avant même la conclusion du contrat, que ce bien permît d'obtenir l'avantage fiscal escompté, le consentement des époux aurait été donné par erreur.
A noter :
Rendue au visa des anciens articles 1108, 1109 et 1110 du Code civil, cette décision est transposable aux actuels articles 1128, 1130 et 1133 du même Code, issus de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016 et applicables aux contrats conclus depuis le 1er octobre 2016 (Ord. art. 9). Le fait que l’erreur sur la substance de l’objet même du contrat (ex-art. 1110) ait été remplacée par l’erreur sur les qualités essentielles de la prestation (art. 1133) est à cet égard sans influence. En outre, l’article 1133 précise que les qualités essentielles de la prestation sont celles qui ont été expressément ou tacitement convenues et en considération desquelles les parties ont contracté.
Il résulte de cette décision que l’avantage fiscal escompté d’un contrat n’est pas en soi une qualité substantielle ou essentielle du contrat mais que les parties peuvent néanmoins convenir que tel est le cas, y compris implicitement.
Dans des affaires comparables, la Cour de cassation avait raisonné sous l’angle de l’erreur sur les motifs du contrat, extérieur à l’objet de celui-ci, considérant qu’en l’absence d’une stipulation expresse du contrat une telle erreur n’est pas une cause de nullité du contrat, même si ce motif a été déterminant du consentement d’une des parties (pour les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 : Cass. 3e civ. 24-4-2003 n° 01-17.458 FS-PB : RJDA 12/03 n° 1156 ; Cass. com. 11-4-2012 n° 11-15.429 F-PB : RJDA 12/12 n° 1035 ; pour les contrats conclus après cette date : C. civ. art. 1135).
En permettant ici aux parties de faire, expressément ou tacitement, de l’éligibilité à un avantage fiscal avantageux une qualité substantielle du bien vendu, la Haute Juridiction se montre donc favorable à l’acheteur, qui pourrait avoir du mal à obtenir du vendeur la consécration par une clause expresse de la finalité concrète de l’opération envisagée.
Il reste que la preuve d’une convention tacite entre les parties faisant entrer la défiscalisation dans le champ contractuel est délicate. Si cette preuve n’est pas apportée, la demande d’annulation doit être rejetée.
C’est peut-être ce qui a conduit la Cour de cassation à ordonner, dans cette affaire, une médiation judiciaire à laquelle les parties ont donné leur accord (CPC art. 131). Elle a en conséquence sursis à statuer, jusqu’à l’issue de la médiation, sur la question du renvoi de l’affaire devant une cour d’appel.
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