À Bailleul, la gérante de la librairie du centre-ville, proche de la retraite, vend l’immeuble à un tiers qui entend y installer un cabinet d’assurance. Inquiète de la disparition de la seule librairie de Bailleul (hormis l’espace culturel de l’hypermarché en périphérie), la commune manifeste son intérêt pour cet immeuble auprès de la communauté de communes de Flandres intérieure, titulaire du droit de préemption urbain (DPU). Par une délibération du 29 septembre 2017, la communauté de communes délègue à la commune son DPU pour ce bien. Fort de cette délégation, le conseil municipal exerce le DPU par une délibération du 12 octobre 2017, bien que le 16 juin 2016 il ait délégué l’exercice du droit de préemption au maire pour toute la durée de son mandat. Le lendemain, le 13 octobre 2017, le maire de Bailleul préempte lui aussi l’immeuble abritant la librairie.
Les deux préemptions, celle du conseil municipal et celle du maire, sont contestées en justice pour incompétence de leurs auteurs respectifs.
La cour administrative d’appel de Douai juge le conseil municipal compétent pour préempter car, même si, par délibération du 16 juin 2016, il avait délégué au maire l’exercice du DPU, il a pu régulièrement décider, par sa délibération du 12 octobre 2017, de se ressaisir implicitement de l’exercice de ce droit, que lui avait délégué pour l’opération litigieuse la communauté de communes.
Cassation. Pour le Conseil d’État, si le conseil municipal conserve la faculté de prendre à tout moment une délibération mettant fin à la délégation consentie au maire, une telle décision ne peut être prise que par une nouvelle délibération abrogeant de manière explicite la délégation consentie. En l’espèce, le conseil municipal n’était donc pas compétent pour préempter. En revanche, juge la Haute Juridiction, le maire l’était dès lors qu’il bénéficiait d’une délégation consentie par le conseil municipal. Que cette délégation soit antérieure à la délégation accordée par la communauté de communes – argument soutenu par l’auteur du recours pour dire que le maire était incompétent – est sans importance dès lors que le maire avait compétence pour toute la durée de son mandat pour exercer au nom de la commune les droits de préemption du Code de l’urbanisme pourvu que celle-ci en soit titulaire ou délégataire à la date de la préemption.
A noter :
Le maire peut, par délégation du conseil municipal, être chargé pour la durée de son mandat d'exercer, au nom de la commune, les droits de préemption définis par le Code de l'urbanisme, que la commune en soit titulaire ou délégataire (CGCT art. L 2122-22, 15°). Le conseil municipal peut mettre fin à tout moment à cette délégation (CGCT art. L 2122-23, al. 4). En l’absence de toute délibération ultérieure rapportant la délégation accordée au maire pour l’exercice du droit de préemption, le conseil municipal doit être regardé comme s’étant dessaisi de sa compétence et ne peut plus décider lui-même d’exercer ce droit (CE 2-10-2013 n° 357008, Cne de Fréjus ; CE 8-4-2015 n° 376821, Cne de Saint-Aignan-Grandlieu : BPIM 3/15 inf. 175). Ici, le Conseil d’État précise que le conseil municipal ne peut pas, par une délibération, mettre fin implicitement à la délégation accordée au maire en exerçant lui-même le droit de préemption. Une délibération expresse en ce sens est nécessaire.
Si le conseil municipal était incompétent pour préempter la librairie du centre-ville, le maire, en revanche l’était. Le Conseil d’État a déjà jugé récemment que le maire auquel la commune a délégué l'exercice des droits de préemption du Code de l'urbanisme peut exercer ce droit quelle que soit la date de la délégation, l'important étant qu'au jour de la préemption la commune en soit titulaire ou délégataire (CE 28-1-2021 n° 429584, Sté Matimo : SNH 7/21 Inf. 2). Peu importe donc si, à la date à laquelle le maire s’est vu consentir l’exercice du DPU, la commune n’en était pas elle-même titulaire ou délégataire.
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