Les locataires d’une société d’HLM saisissent le tribunal en remboursement de charges locatives qu’ils estiment avoir indûment payées au bailleur au titre de la rémunération du concierge.
Le tribunal ordonne la restitution des sommes versées à ce titre au motif que, pour que la rémunération du gardien soit récupérable, les deux tâches d’entretien des parties communes et d’élimination des rejets doivent être effectuées de manière cumulative et à l’exclusion de tout partage permanent de ces activités avec un tiers ; or, en l’espèce, l’entretien des parties communes intérieures était effectué par un prestataire extérieur.
La Cour de cassation censure ce jugement. Les dépenses correspondant à la rémunération du gardien ou du concierge étant exigibles au titre des charges récupérables à concurrence de 40 % de leur montant lorsqu'il assure seul l’élimination des déchets ou l’entretien des parties communes, le tribunal aurait dû rechercher si le concierge n’effectuait pas seul la tâche d’élimination des déchets.
A noter : Lorsque le gardien ou le concierge assure, conformément à son contrat de travail, l'entretien des parties communes et l'élimination des rejets, les dépenses correspondant à sa rémunération et aux charges afférentes sont exigibles au titre des charges récupérables à concurrence de 75 % de leur montant (Décret 2008-1411 du 19-12-2008). Ces dépenses sont récupérables à concurrence de 40 % de leur montant lorsque le gardien n'assure que l'une ou l'autre des deux tâches. Les dépenses de personnel sont récupérables y compris en cas d'intervention d'un tiers dans un certain nombre de cas d’empêchement ou d’indisponibilité du gardien ou du concierge (repos hebdomadaires et congés, cas de force majeure, arrêt de travail, impossibilité matérielle ou physique temporaire).
Faut-il refuser cette récupération quand le gardien effectue seul une des deux tâches, alors qu'en plus, il participe à l’autre ? Le fait qu’il participe à l'une des tâches ne saurait annuler les effets de ce qu’il effectue, seul et intégralement, l’autre tâche. La condition de la récupération à 40 % est donc remplie. Refuser la récupération dans ce cas serait illogique : la rémunération du concierge serait récupérable s’il effectuait une seule des deux tâches intégralement (40 %), mais ne le serait pas s’il effectuait une des deux tâches intégralement plus une partie de l’autre... Aucune récupération de sa rémunération ne serait possible dans un cas où pourtant il en ferait davantage !
Ce raisonnement conduirait à nuire aux intérêts des locataires. Ceux-ci doivent en effet supporter intégralement le coût du prestataire extérieur lorsqu'il y en a un. En conséquence, plus le concierge en fait, moins les charges liées à l’intervention d’un prestataire extérieur sont élevées. Le bailleur aurait alors tout intérêt à ne confier au concierge qu’une seule des deux tâches pour pouvoir récupérer 40 %, en confiant l’intégralité de l’autre tâche à un tiers. Les locataires auront alors à supporter les 40 % de la rémunération du concierge en plus du coût du prestataire extérieur pour l’intégralité de l’autre tâche.
Au regard de cette argumentation, le jugement a légitimement été cassé.
Anne-Lise COLLOMP, Conseiller référendaire à la Cour de cassation
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Gestion immobilière n° 62595