La clause de non-concurrence doit délimiter son champ d’application géographique qui peut être vaste
Constituant une entrave à la liberté de travailler du salarié, une clause de non-concurrence n’est licite que si elle est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise, limitée dans le temps et l’espace, qu’elle tient compte des spécificités de l’emploi du salarié et comporte l’obligation pour l’employeur de verser une contrepartie financière (Cass. soc. 10-7-2002 n° 00-45.135 FP-PBRI, n° 00-45.387 FP-PBRI et 99-43.334 FP-PBRI : RJS 10/02 n° 1119).
La Haute juridiction juge traditionnellement que la seule étendue du champ d’application géographique de la clause ne rend pas en soi impossible l’exercice par le salarié d’une activité professionnelle (Cass. soc. 20-1-1999 n° 96-45.669 D ; Cass. soc. 15-12-2009 précité).
Ainsi, il a été jugé que la clause comportant une interdiction de concurrence s’étendant à l’ensemble du territoire français n’est pas systématiquement frappée de nullité (Cass. soc. 18-2-1997 n° 94-44.202 D ; Cass. soc. 15-12-2009 n°08-44.847 F-D). Il a été jugé de même à propos d’une clause interdisant à un directeur marketing d’entrer au service d’une entreprise concurrente en France et dans les autres pays du marché commun (Cass. soc. 30-1-2002 n° 99-45.455 F-D).
En revanche, associée à d’autres éléments, notamment la portée de la clause et la spécificité de l’activité exercée par le salarié, l’étendue géographique peut participer de la démonstration d’une entrave à la liberté de travail (Cass. soc. 30-10-1997 n° 95-43.721 D ; Cass. soc. 25-3-1998 n° 95-41.543 P : RJS 6/98 n° 730 ; Cass. soc. 23-10-2001 n° 99-44.219 F-D).
Les juges doivent vérifier que le salarié peut continuer à exercer son activité
Les juges du fond doivent vérifier l’atteinte concrète à la liberté de travail résultant de la clause et s’assurer qu’elle n’empêche pas le salarié d’occuper un nouvel emploi. A défaut d’effectuer une telle recherche, leur décision encourt la censure de la Haute juridiction (Cass. soc. 31-3-2016 n° 14-29.865 F-D).
L’arrêt du 3 juillet 2019 est l’occasion pour la chambre sociale de la Cour de cassation de rappeler cette règle dans des circonstances très particulières compte tenu de l’étendue du champ géographique de la clause.
En l’occurrence, un salarié avait été engagé par une grande maison de couture. Son contrat de travail prévoyait une clause de non-concurrence en Europe pendant une durée de 6 mois, en contrepartie d’une indemnité compensatrice mensuelle égale à la rémunération perçue à la date de la cessation du contrat de travail majorée du douzième du dernier bonus perçu. L’avenant au contrat de travail conclu lors de la nomination de la salariée à Hong-Kong prévoyait une extension de la zone de couverture de l’interdiction de non-concurrence à la zone Asie-Pacifique.
Après avoir démissionné, le salarié avait saisi les juges afin, notamment, de contester l’étendue de la clause de non-concurrence, estimant cette dernière insuffisamment limitée dans l’espace.
La cour d’appel avait fait droit à sa demande en retenant que, si la clause était légitime eu égard à la spécificité de l’activité exercée, à la concurrence existant entre les sociétés du secteur de la haute couture et au poste, au contact de la clientèle, occupé par le salarié à Paris puis à Hong Kong, « la stipulation d’un champ d’application aussi vaste dans un premier temps qu’un continent, à savoir l’Europe, puis son extension à un deuxième continent, l’Asie, outre les Etats du Pacifique, constituait une limitation excessive à la liberté du travail » rendant la clause de non-concurrence illicite.
Cet arrêt est cassé, faute pour les juges du fond d’avoir vérifié si cette clause empêchait ou non le salarié d’exercer une activité conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle.
Pour en savoir plus sur la clause de non-concurrence : voir Mémento Social nos 69625 s.