Le jugement ouvrant une procédure de sauvegarde, de redressement ou de liquidation judiciaire à l’encontre d’une entreprise interdit aux créanciers d’engager une action en justice contre celle-ci pour obtenir la résolution d’un contrat pour défaut de paiement d’une créance née avant ce jugement (C. com. art. L 622-21, L 631-14 et L 641-3).
Un loueur de véhicules met en demeure une société locataire de régler 200 000 € d’arriérés de loyers sous 8 jours et se prévaut de la clause résolutoire de plein droit figurant dans le contrat de location. Deux mois plus tard, le juge des référés constate l’acquisition de la clause et ordonne la restitution des véhicules. Alors que le locataire a été mis en redressement judiciaire, le loueur demande en appel la confirmation de la décision obtenue en référé. Un cour d’appel refuse : l’action du loueur ne peut plus, en l’absence de décision passée en force jugée, être poursuivie après la mise en redressement judiciaire du locataire.
La Cour de cassation censure cette décision (Cass. com. 13-9-2023 n° 22-12.047 F-B). En effet, l'interruption ou l’interdiction des actions en justice de la part des créanciers tendant à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent ne fait pas obstacle à l'action aux fins de constat de la résolution d'un contrat de location de véhicules par application d'une clause résolutoire de plein droit ayant produit ses effets avant le jugement d'ouverture du redressement judiciaire du locataire. La clause résolutoire était acquise à l’issue du délai de 8 jours laissé par le loueur au locataire pour payer et donc avant le jugement ouvrant le redressement judiciaire, de sorte que la demande du loueur était recevable.
A noter :
Le principe n’est pas nouveau, mais son rappel met en évidence la confusion faite par la cour d’appel.
Échappe à l'interdiction des poursuites contre un débiteur en procédure collective l'action en constatation de l'acquisition d'une clause résolutoire de plein droit qui a produit ses effets avant le jugement ouvrant la procédure collective (Cass. 3e civ. 28-1-2004 n° 01-00.893 FS-PB : RJDA 5/04 n° 590 à propos d’un bail à construction ; Cass. com. 18-11-2014 n° 13-23.997 FS-PB : RJDA 2/15 n° 122 pour un crédit-bail immobilier), même si ce dernier survient au cours de la procédure d'appel de l'ordonnance de référé qui a constaté l'effet de la clause (Cass. 3e civ. 28-1-2004 précité). Il suffit que le débiteur n’ait pas payé dans le délai imparti par la mise en demeure pour que la clause soit acquise (Cass. 3e civ. 28-1-2004 précité).
Il en va différemment pour le bail commercial : le bailleur ne peut se prévaloir d'une clause de résiliation de plein droit du bail pour non-paiement des loyers échus avant la procédure collective du locataire que si l'acquisition de la clause de résiliation a été constatée par une décision de justice passée en force de chose jugée avant l'ouverture de la procédure collective (notamment, Cass. com. 28-10-2008 n° 07-17.662 F-PB : RJDA 8-9/09 n° 707 ; Cass. 3e civ. 26-5-2016 n° 15-12.750 F-D : RJDA 8-9/16 n° 601). A défaut, le bailleur ne peut plus faire constater l'acquisition de la clause après l'ouverture de cette procédure (Cass. 3e civ. 13-4-2022 n° 21-15.336 FS-B : BRDA 10/22 inf. 11). Le commandement de payer précédemment adressé au locataire et resté infructueux est sans effet (par exemple, Cass. 3e civ. 9-1-2008 no 06-21.499 FS-PB : RJDA 4/08 no 381).
Cette différence de traitement trouve sa justification dans la protection particulière qu’offre l’article L 145-41 du Code de commerce au titulaire d’un bail commercial, en lui permettant de demander la suspension des effets de la clause résolutoire et l'octroi de délais de paiement tant que la résiliation du bail commercial n'a pas été constatée par une décision passée en force de chose jugée.
Dans l’arrêt commenté, la cour d’appel avait donc à tort appliqué cette solution à un contrat de location de matériel.
Documents et liens associés :
Cass. com. 13-9-2023 n° 22-12.047 F-B, Sté Temsys c/ Sté KC technologies