Entrée en vigueur : La Cour de cassation a été saisie de la demande d'une association de consommateurs en suppression de plusieurs clauses des conditions générales des contrats de fournitures d'électricité et de gaz de Direct énergie (Cass. 1e civ. 26-9-2019 n° 18-10.890 FS-PB) et d'Engie (Cass. 1e civ. 26-9-2019 n° 18-10.89 FS-PB), qu'elle considère abusives ou illicites.
Le juge ne peut pas supprimer les clauses abusives dans des contrats qui ne sont plus en cours ...
En cours de procédure, les fournisseurs d'énergie modifient leurs conditions générales, de sorte qu'une partie des clauses visées par la demande de l'association n'y figure plus au moment où l'affaire est jugée. Ils soulèvent en conséquence l'irrecevabilité de l'action en ce qu'elle vise des clauses qui ne sont plus proposées au consommateur et qui ne figurent plus dans aucun contrat en cours ; une telle action serait, selon eux, devenue sans objet.
Pour l'application de l'ancien article L 421-6 autorisant les associations de consommateurs à agir en suppression des clauses illicites ou abusives dans les « contrats proposés au consommateur », la Cour de cassation a admis que le juge peut ordonner la suppression de clauses dans les contrats qui ne sont plus proposés au consommateur (Cass. 1e civ. 26-4-2017 no 15-18.970 F-PB : RJDA 10/17 n° 671).
Pouvait-on aller jusqu'à reconnaître la possibilité de demander la suppression de ces clauses dans des contrats qui ne sont même plus en cours ? Non, répond la Cour de cassation : le juge peut supprimer les clauses abusives ou illicites dans les contrats qui ne sont plus proposés aux consommateurs, à condition qu'ils soient au moins encore en cours d'exécution.
C'est également ce que dit la loi depuis l'ordonnance 2016-301 du 14 mars 2016, qui permet au juge d'ordonner la suppression d'une clause illicite ou abusive dans tout contrat ou type de contrat proposé ou destiné au consommateur, ou dans tout contrat en cours d'exécution (C. consom. art. L 621-8).
... mais il peut ordonner la réparation du préjudice causé par de tels contrats
L'association de consommateur peut, en revanche, demander réparation du préjudice causé à l'intérêt collectif des consommateurs par des conditions générales qui ne sont plus ni proposées ni en cours, juge la Cour de cassation : l'action en réparation est en effet distincte de l'action en suppression des clauses litigieuses.
En effet, la suppression d'une clause n'est pas nécessairement de nature à supprimer le préjudice que celle-ci a pu avoir d'ores et déjà causé.
Le Code de la consommation ne prévoit pas expressément un tel droit d'action en réparation. Ainsi, l'ex-article L 421-6 du Code de la consommation (devenu L 621-8) permet seulement aux associations de consommateurs d'agir en vue de faire supprimer ou interdire les clauses et l'ex-article L 421-7 (devenu l'article L 621-9) vise l'action en réparation conjointe ou l'intervention devant une juridiction saisie par un consommateur. Enfin, l'ancien article L 421-1, devenu l'article L 621-1, se réfère à l'action civile.
Mais la Cour de cassation juge depuis longtemps qu'une association agréée de défense des consommateurs est en droit de demander devant les juridictions civiles la réparation, notamment par l'octroi de dommages intérêts, de tout préjudice direct ou indirect à l'intérêt collectif des consommateurs (Cass. 1e civ. 5-10-1999 n° 97-17.559 PBR : RJDA 11/99 n° 1255). Pour la Cour de cassation, « la stipulation de clauses abusives constitue en elle-même une faute de nature à porter atteinte à l'intérêt collectif des consommateurs » (Cass. 1e civ. 1-2-2005 n° 02-20.633 : Bull. civ. I n° 63 ; Cass. 1e civ. 26-4-2017 n° 15-18.970 F-PB : RJDA 10/17 n° 671), le préjudice collectif dépendant du nombre de clauses abusives figurant dans les contrats proposés aux consommateurs (Cass. 1e civ. 1-10-2014 n° 13-21.801 : Bull. civ. I n° 158).
Maya VANDEVELDE
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Concurrence consommation nos 2890 s. et 8400 s.