Une décision du Conseil de Prud’hommes d’Auxerre, en date du 27 mai 2019, a jugé le licenciement justifié dans une affaire opposant l’ex-international roumain devenu entraîneur Viorel Moldovan à l’AJ Auxerre (AJA). Illustration.
Engagé par l’AJA pour deux saisons en juillet 2016, ce dernier est licencié à peine trois mois plus tard, pour avoir tenu sur BeIn Sports des propos critiques envers son club, sa direction et ses joueurs. L’AJA est alors 19e du classement en Ligue 2. Il vient à nouveau de perdre, plaçant l’équipe auxerroise dans une situation sportive singulièrement compliquée. Les dirigeants du club bourguignon considèrent que les propos du coach ont gravement porté atteinte à l’image du club et décident de rompre son contrat.
Licenciement opportun, ou opportuniste ?
Ulcéré, Viorel Moldovan porte l’affaire devant le Conseil de Prud’hommes d’Auxerre. Il réclame 200 000 € à titre de dommages et intérêts, pour rupture abusive de son contrat de travail, et 60 000 € en réparation de son préjudice moral et financier. Mais le 27 mai, la décision des juges douche ses espoirs : il est débouté.
Pour parvenir à cette décision, les juges se limitent à faire une interprétation stricte du règlement intérieur de l’AJA, qui prévoit dans ses articles 16 et 34 que le personnel doit s’abstenir de tout commentaire public négatif sur le club ou sa direction, sous peine de licenciement.
En faisant part de ses critiques, particulièrement acerbes, en public et en direct sur une chaîne de télévision, Viorel Moldovan aurait, selon le Conseil de Prud’hommes d’Auxerre, violé ses obligations contractuelles, son devoir de loyauté et de réserve et la Charte éthique du football. Ce qui justifierait la rupture anticipée de son contrat de travail pour faute grave.
Si les faits semblent justifier la décision prise par les juges, qui est encore susceptible d’appel, il est quand même permis de s’interroger sur l’opportunité, voire l’opportunisme, d’un tel licenciement. Si Viorel Moldovan avait tenu les mêmes propos alors que son équipe était en tête du championnat, aurait-il été licencié ? On peut penser que non. Dans le football plus que dans tout autre secteur, l’éthique est une notion à interprétation variable. Même lorsque, et il faut s’en réjouir, elle s’aligne avec le droit.
Thierry GRANTURCO est avocat aux Barreaux de Paris et de Bruxelles, spécialiste de droit du sport et des nouvelles technologies. Il est actif dans le milieu du football professionnel depuis plus de 20 ans après avoir lui-même joué à haut niveau à l'Olympique Lyonnais (OL). Il préside également, entre autres, le fond d’investissement Dodecagone.