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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Social/ Représentation du personnel

Les compétences mises en œuvre dans l’exercice d’un mandat peuvent être évaluées par l’employeur

La Cour de cassation valide un accord collectif permettant à l’employeur, dans le cadre d’un dispositif facultatif, d’évaluer, sur la base d'un référentiel, les compétences mises en œuvre par un représentant du personnel dans l’exercice de son mandat et ce afin de les intégrer dans son évolution de carrière.

Cass. soc. 9-10-2019 n° 18-13.529 FS-PBRI


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L’article L 2141-5 du Code du travail interdit à l’employeur de prendre en considération l’appartenance à un syndicat ou l’exercice d’une activité syndicale pour arrêter ses décisions en matière notamment de formation professionnelle et d’avancement. Modifié en 2015 par la loi Rebsamen (loi 2015-994 du 17-8-2015), l’alinéa 2 de ce texte permet toutefois aux partenaires sociaux de négocier un accord collectif de conciliation entre vie personnelle, vie professionnelle et fonctions syndicales et électives qui peut prendre en compte dans leur évolution professionnelle « l’expérience acquise, dans le cadre de l’exercice des mandats ».

C’est précisément un accord d’entreprise de cette nature qui faisait l’objet, en l’espèce, d’un litige.

A noter : Les accords collectifs visés ci-dessus font partie d’un arsenal législatif de lutte contre les discriminations envers les représentants syndicaux et les élus. Ils s’inscrivent dans un dispositif d’ensemble qui comporte également une garantie de non-discrimination salariale (C. trav. art. L 2141-5-1), un dispositif de valorisation des compétences acquises pendant le mandat par l’obtention de certificats de compétences professionnelles (C. trav. art. L 6112-4), et des entretiens avec l’employeur en début et fin de mandat, portant notamment sur le recensement des compétences acquises et sur les modalités de valorisation de l'expérience (C. trav. art. L 2141-5).

Un accord de groupe permettant à l’employeur d’apprécier les compétences des représentants du personnel

Un accord collectif de groupe relatif au parcours professionnel des représentants du personnel a été conclu en 2016 entre l’entreprise et plusieurs syndicats.

Cet accord prévoit, dans un article intitulé « Entretien d’appréciation des compétences et d’évaluation professionnelle », la mise en place d’un entretien ayant pour objet « d’identifier et d’apprécier les compétences pouvant être mobilisées par le représentant du personnel dans l’exercice de son mandat, et d’intégrer cette analyse dans le cadre de sa gestion de carrière et son parcours professionnel ».

Pour la mise en œuvre du dispositif, une méthodologie, des modèles et des supports d’entretien ont été mis à la disposition des entreprises du groupe par la direction des ressources humaines du groupe.

Des organisations syndicales non signataires de l’accord ont déposé un recours. Déboutées en première instance puis en appel, elles ont saisi la Cour de cassation d’un pourvoi, et développé les arguments suivants :

- les stipulations conventionnelles en cause permettent à l’employeur de prendre en considération l’évaluation qu’il fait de la façon dont le représentant du personnel concerné exerce ses mandats pour arrêter ses décisions en matière de formation, d’avancement et de rémunération ;

- le dispositif mis en place conduit l’employeur à évaluer la qualité de l’activité syndicale ou élective des représentants du personnel, et leurs besoins en formation dans ce cadre.

Selon les syndicats, le dispositif, tel que mis en place par l’accord de groupe, viole à la fois l’article L 2141-5 du Code du travail et le principe de liberté syndicale.

La Cour de cassation écarte la discrimination en s’attachant au caractère concerté du dispositif

La chambre sociale de la Cour de cassation, dans un arrêt rédigé en forme développée et promis à la plus large publication, déboute les organisations syndicales de leur pourvoi et valide le dispositif mis en œuvre par l’accord de groupe. La solution retenue par la Cour n’allait pas de soi.

Pour la Cour de cassation, un dispositif tel que celui mis en œuvre en l’espèce est valide s’il respecte plusieurs conditions cumulatives :
- son objet doit être conforme aux dispositions de l’alinéa 2 de l’article L 2141-5 du Code du travail : la prise en compte de l’expérience acquise par le salarié dans son mandat dans son évolution professionnelle ;
- le dispositif doit être mis en place par accord collectif ;
- la participation du représentant du personnel au processus d’évaluation doit être facultative ;
- les organisations syndicales doivent être associées aux modalités d’appréciation par l’employeur des compétences mises en œuvre dans l'exercice du mandat ;
- le dispositif doit pouvoir déboucher sur une offre de formation ;
- l'analyse des compétences du salarié est destinée à être intégrée dans l'évolution de carrière du salarié.

A noter : Ainsi, la Cour de cassation impose que l’élaboration du dispositif soit le fruit d’une concertation entre les organisations syndicales et l’employeur. Mais elle admet que l’employeur ait le dernier mot sur l’appréciation des compétences reconnues au salarié. C’est lui qui, à l’issue des entretiens qu’il mène, « analyse les compétences » du salarié, les évalue et intègre ses conclusions – individuelles, et non concertées – à l’évolution de carrière de l’intéressé.

La Cour de cassation se penche également sur les référentiels ayant pour objet d’identifier et d’évaluer les compétences mises en œuvre dans l’exercice du mandat, ainsi que leur degré d’acquisition par le salarié.

L’accord collectif prévoyant de tels référentiels ne porte pas atteinte au principe de liberté syndicale si :- les référentiels sont élaborés par l’employeur après négociation avec les organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ;- ils sont objectifs et pertinents ;- ils sont mis en œuvre par l’employeur dans le respect du principe de non-discrimination.

A notre avis : Sur ce point également, l’analyse retenue par la Cour de cassation peut susciter la critique. Les référentiels retenus doivent certes être négociés avec les organisations syndicales représentatives. Mais ils sont élaborés et mis en œuvre par l’employeur seul, et non de manière concertée. En cas de litige, le juge veillera au respect du principe de non-discrimination, et les manquements les plus évidents seront sanctionnés. Mais un encadrement des pouvoirs de l’employeur dès l’origine, en imposant un processus associant l’employeur et les syndicats, aurait été possible, afin de garantir l’objectivité des processus d’évaluation.

En l’espèce, le dispositif critiqué est validé par la Cour de cassation, qui considère que l’accord de groupe comportait suffisamment de garde-fous pour que les représentants syndicaux ou élus soient protégés de toute velléité discriminatoire de l’employeur. Selon elle, en effet, l'appréciation des compétences mises en œuvre dans le cadre du mandat du représentant du personnel reposait sur des éléments précis et objectifs, et la méthodologie prévue par l’accord excluait toute discrimination ou atteinte à la liberté syndicale.

La Cour relève, en particulier, que le dispositif a été mis en place à l’issue d’une procédure concertée avec les organisations syndicales : un groupe de travail avait été constitué, une phase d’expérimentation avait été mise en place, et plusieurs suggestions des organisations syndicales avaient été prises en compte.

Par ailleurs, l’appréciation des compétences des salariés était menée selon un processus en plusieurs étapes, sous le regard croisé de l'organisation syndicale du salarié et d'un représentant de l'employeur devant avoir participé aux instances dans lesquelles le salarié exerce son mandat.

Enfin, selon la Cour, les critères d'appréciation des compétences étaient objectifs et vérifiables, les compétences contenues dans le référentiel étaient transverses entre les métiers et le mandat.

A notre avis : Pour échapper à toute suspicion de discrimination – et, partant, limiter les contentieux - l’accord de valorisation des compétences des représentants du personnel peut associer à l’employeur et aux organisations syndicales un tiers à l’entreprise, et lui confier la mission d’élaborer les référentiels d’évaluation des compétences, voire de mener les entretiens avec les représentants du personnel.

Laurence MECHIN

Pour en savoir plus sur l'interdiction des discriminations syndicales : Voir Mémento Social nos 73065 s.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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