En 2020, une femme assigne son ex-concubin en partage de l’indivision existante entre eux (un bien immobilier acquis à 50/50 en 2016) et en paiement d'une somme de 155 337 € correspondant à un gain au loto, tiré en 2014. Cette dernière demande cristallise les différends.
D’abord, le défendeur conteste la compétence du juge aux affaires familiales sur ce point.
En vain. La Cour de cassation rappelle que le JAF connaît de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des concubins (C. org. jud. art. L 212-3). Ces intérêts patrimoniaux s'entendent de tous les rapports pécuniaires des concubins. Dès lors, le JAF est compétent du différend opposant les parties sur la propriété du gain au loto et sur l'utilisation de cette somme pour l'acquisition du bien indivis.
Ensuite, le défendeur invoque la prescription de la demande en paiement formée à son encontre. La cour d’appel, au contraire, retient que la somme réclamée constitue une créance pouvant être opposée à l'indivision ; elle n'est donc pas née à la remise du gain par La Française des jeux en décembre 2014 mais au jour de l'apport réalisé, en janvier 2016 ; en conséquence, au moment de l’assignation en 2020, la prescription quinquennale n'était pas acquise. À l’appui de son raisonnement, les juges du fond relèvent que l'indivision perdure, les opérations de liquidation et partage n’ayant pas eu lieu et que l’ex-concubin ne peut pas soutenir avoir financé seul l'apport personnel alors que l'acte notarié indique que chacun des acquéreurs a fait un apport personnel à concurrence de moitié.
L’arrêt est censuré sur ce point car il a modifié l’objet du litige, dans la mesure où la demanderesse sollicitait la condamnation de son ex. à lui payer la somme de 155 337 € au titre du gain au loto tiré le 24 décembre 2014.
A noter :
Double illustration :
de la large compétence du JAF qui a vocation à connaître de tous les rapports pécuniaires des concubins, en l'espèce, la propriété d'une somme gagnée au loto. Il s'agit d'une jurisprudence constante, voir déjà en ce sens à propos d'une demande d’indemnité au titre de l’occupation sans droit ni titre née de la rupture du concubinage (Cass. 1e civ. 5-4-2023 n° 21-25.044 FS-B : BPAT 3/23 inf. 115) ;
du couperet de la prescription quinquennale applicable entre les concubins, ceux-ci ne bénéficiant pas du régime de suspension, réservé aux époux et partenaires de pacs (C. civ. art. 2236). La cour d’appel a tenté de rattacher le débat relatif à la somme gagnée au Loto à celui des créances contre l’indivision puisqu'il semble que cette somme ait été investie dans l'acquitition du bien indivis. Mais c'était aller au-delà des termes de la demande.