Des concubins acquièrent leur logement familial en indivision en 2002. Ils se séparent plus de 15 ans après et, le 6 mai 2021, un jugement ordonne l’ouverture des opérations de comptes, liquidation et partage de l’indivision. L’un des concubins se revendique créancier à l’égard de celle-ci. Mais sa créance d’apport et ses créances de conservation antérieures au 6 mai 2016 sont jugées prescrites. Il se pourvoit en cassation ; il forme à cette occasion deux questions prioritaires de constitutionnalité :
la suspension de la prescription prévue uniquement entre époux et partenaires de Pacs et non entre concubins est-elle contraire au principe d’égalité devant la loi (C. civ. art. 2236 ; DDHC art. 6 ; Constitution du 4-10-1958 art. 1) ?
cette exclusion du concubin, le contraignant à agir en reconnaissance de sa créance durant le concubinage pour interrompre la prescription, méconnaît-elle le droit de mener une vie familiale normale (Préambule de la Constitution de 1946, al. 10 et 11) ?
La Cour de cassation ne renvoie pas les QPC au Conseil constitutionnel, celles-ci n’étant, notamment, ni sérieuses ni nouvelles.
La non-extension aux concubins du régime de prescription entre époux et partenaires de Pacs n’est pas contraire au principe d’égalité : la différence de traitement qui en résulte, fondée sur une différence de situation, est en rapport direct avec l’objet de la loi qui l’établit. Mariage et Pacs sont deux formes d’union légale dotées d’un statut légal, produisant un ensemble d’effets de droit. La situation des concubins se distingue en ce qu’il s’agit d’une union de fait qui se forme et se défait par la seule volonté en dehors de tout cadre juridique et qui emporte des droits et obligations moins nombreux.
Il n’y a pas d’atteinte au droit de mener une vie familiale normale en ce que l’application de l’article 2236, elle-même, n’impose nullement au concubin qui détient une créance contre l’autre d’agir en justice pendant la durée de leur relation afin d’éviter la prescription.
A noter :
La décision s’insère dans la droite ligne de la jurisprudence du Conseil constitutionnel : les différences de traitement des trois statuts conjugaux sont corrélées aux effets patrimoniaux qu’ils emportent et traduisent l’objectif poursuivi par chacun des statuts (Cons. const. 29-7-2011 n° 2011-155 QPC : BPAT 5/11 inf. 278, à propos de la pension de réversion réservée aux époux).
En outre, le concubinage n’entraînant aucun régime patrimonial spécifique, le règlement des flux financiers durant l’union emprunte les règles de droit commun : régime de l’indivision, société créée de fait, enrichissement injustifié ou encore répétition de l’indu. Il est logique que le régime de prescription attaché à ces recours soit celui de droit commun.
Plutôt que d’introduire un recours préventif en reconnaissance d’une créance, les concubins peuvent recourir à plusieurs options contractuelles. Ils peuvent, par exemple, convenir d’une reconnaissance de dette, une convention d’indivision, ou encore une convention de concubinage prévoyant la suspension de la prescription de leurs créances.
Enfin, notons qu’il reste, à titre subsidiaire, la possibilité d’agir sur le fondement de l’enrichissement injustifié. Dans ce cadre, les juges du fond font parfois preuve de tolérance et fixent le point de départ de la prescription à la date de la rupture (CA Riom 1e ch. civ. 12-9-2023 n° 21/02203 ; sur cette question voir B. Travely, Rupture des concubins : les rapports patrimoniaux hors l'indivision : SNH 3/24 inf. 10).
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