Une entreprise résilie avant terme un contrat conclu avec un prestataire d'hébergement sur internet. Ce dernier soutient que les modalités de résiliation anticipée du contrat figurant dans ses conditions générales de vente (CGV) sont opposables à l’entreprise. Il invoque le fait que le contrat précisait « En complément des définitions des Conditions Générales de Vente et des Conditions Particulières Hébergement, les termes suivants utilisés dans les présentes conditions particulières auront la signification qui suit (...) » pour affirmer que l’entreprise avait nécessairement eu connaissance des CGV.
La cour d’appel de Versailles juge, au contraire, que les CGV du prestataire sont inopposables à l’entreprise : elles n’étaient ni signées, ni paraphées par elle et n’étaient évoquées que de manière tout à fait accessoire dans le contrat ; ce dernier ne précisait à aucun moment qu'elles avaient été remises à l’entreprise, que celle-ci en avait pris connaissance, les avait acceptées et que ces CGV faisaient ainsi partie intégrante de la relation contractuelle ; peu importait à cet égard la prétendue qualité de professionnelle avertie de l'entreprise.
A noter : les conditions générales d’une partie n’entrent dans le champ contractuel que si elles ont été connues et acceptées par l’autre partie, au plus tard au moment de la formation du contrat (Cass. com. 28-4-1998 n° 95-20.290 : RJDA 8-9/98 n° 938).
Cette connaissance et cette acceptation des CVG ont été déduites :
- du fait que l’autre partie a signé un document faisant expressément référence aux CGV qui lui avaient été remises (Cass. 1e civ. 3-3-1981 n° 79-16.323 : Bull. civ. I n° 75 ; voir aussi Cass. 1e civ. 27-2-2013 n° 11-23.520 : BRDA 6/13 inf. 14) ou qui étaient accessibles sur internet (CA Montpellier 1-3-2011 n° 10/00867 : GP 2011. som. 11 mai) ;
- des relations d’affaires suivies existant entre les parties lorsque celles-ci sont des professionnels (Cass. com. 11-10-2005 n° 97-14.072 ; CA Montpellier 1-3-2011 précité), cette circonstance étant inopérante lorsque les CVG sont opposées à un particulier (Cass. 1e civ. 11-3-2014 n° 12-28.304 : Bull. civ. I n° 35).
Dans l’affaire rapportée, il n’existait pas de relations antérieures entre les parties et rien n’établissait que les CGV auxquelles le contrat faisait référence avaient été communiquées à l’entreprise.
La jurisprudence récente de la cour d’appel de Versailles n'est guère uniforme. Ainsi, elle a écarté les conditions générales d’un transporteur, jointes au contrat signé par le client et reprises dans le guide fourni à ce dernier et accessibles sur le site internet du transporteur dès lors qu’elles n’avaient pas été signées par le client (CA Versailles 25-11-2014 n° 12/03975 : BTL 2015.16). A l’inverse, elle a retenu l’opposabilité de conditions générales qui figuraient sur un ordre de réparation adressé par un client, jugeant qu’en exécutant les travaux demandés, le réparateur avait nécessairement accepté ces conditions (CA Versailles 14-5-2013 n° 12/08680 : BTL 2013.477).
En pratique : on ne saurait trop conseiller aux professionnels de se ménager la preuve de la connaissance et de l'acceptation de leurs CVG par leurs clients (annexion au contrat, case à cocher au pied du contrat attestant la prise de connaissance et l'acceptation, etc.).
La réforme du droit des contrats et des obligations, qui s’appliquera aux contrats conclus à partir du 1er octobre 2016 (voir La Quotidienne du 23 février 2016), ne remet pas en cause la jurisprudence majoritaire. Aux termes du nouvel article 1119 du Code civil, les conditions générales invoquées par une partie n'ont d'effet à l'égard de l'autre que si elles ont été portées à la connaissance de celle-ci et si elle les a acceptées. Il incombera donc comme auparavant aux juges d'apprécier si ces conditions sont remplies.