Dans les établissements d’au moins 11 salariés, le conseiller inscrit sur une liste en vue d’assister les salariés au cours de leur entretien préalable au licenciement bénéficie d’heures de délégation, dans la limite d’un crédit de 15 heures par mois (C. trav. art. L 1232-8). Ces heures sont assimilées à un travail effectif et rémunérées par l’employeur (C. trav. art. L 1232-9). Ce dernier est ensuite remboursé par l’État du salaire ainsi que des avantages et charges sociales correspondants, au vu d'une demande qu’il établit et fait contresigner par le salarié indiquant les absences ayant donné lieu à maintien de la rémunération ainsi que les autres éléments nécessaires au calcul des sommes dues. Cette demande est accompagnée d'une copie du bulletin de paie correspondant ainsi que des attestations des salariés bénéficiaires de l'assistance (C. trav. art. L 1232-11 et C. trav. D 1232-9).
La question, inédite, soumise ici à la Cour de cassation était celle de savoir si l’employeur peut exiger du salarié qu’il justifie de l’utilisation de ses heures d’absence avant de le rémunérer.
Le salarié plaidait pour une stricte application des textes
En l’espèce, le conseiller du salarié avait saisi le juge des référés, se plaignant du défaut de paiement par l’employeur des heures passées en dehors de l’entreprise afin d’exercer sa mission. Il fondait sa demande sur une interprétation stricte de l’article L 1232-9 du Code du travail, qui dispose que les absences du salarié ne peuvent entraîner aucune diminution de sa rémunération et des avantages correspondants. Le salarié déduisait de ce texte que sa rémunération devait lui être versée de plein droit, sans que l’employeur puisse exiger de justifications préalables. L’employeur soutenait, au contraire, que le versement de la rémunération du salarié est subordonné à la justification du temps passé à l'assistance effective d’un salarié lors de l'entretien préalable au licenciement, notamment par la production d'une attestation dudit salarié.
Le juge des référés avait donné raison au salarié, en s’appuyant sur le fait que l’attestation du salarié assisté n’est exigée par l’article D 1232-9 du Code du travail que pour le remboursement à l’employeur par l’État du salaire ainsi que des avantages et charges sociales correspondants, prévu par l’article L 1232-11 du Code du travail. Les juges soulignaient en outre que l’administration autorise le conseiller du salarié à adresser directement cette attestation à la Dreets (anciennement Direccte), sans passer par l’employeur (Circ. DRT 92-15 du 4-8-1992, n° 4 : BOMT n° 92/21, réputée abrogée).
Pas de présomption de bonne utilisation des heures de délégation du conseiller
La Cour de cassation, saisie du litige, donne raison à l’employeur. Elle casse en effet l’ordonnance de référé pour violation de la loi et considère que, pour obtenir le versement de sa rémunération, le salarié doit justifier auprès de l’employeur du motif de son absence. Pour ce faire, il doit remettre à l’employeur les attestations correspondantes des salariés ayant bénéficié de son assistance.
A noter :
La Cour de cassation refuse d’assimiler les heures de délégation du salarié investi de la mission de conseiller à celles accordées aux représentants du personnel pour l’exercice de leur mandat. Ces derniers bénéficient en effet d’une présomption de bonne utilisation : leurs heures sont de plein droit considérées comme temps de travail et payées à l'échéance normale ([C. trav. art. L 2143-17] pour le délégué syndical et art. L 2315-10 pour le membre du comité social et économique), sans que le représentant du personnel ait à rendre compte de l'emploi de son temps (Cass. crim. 22-11-1988 n° 87-84.669 D : RJS 1/89 n° 35). En cas de refus de l'employeur de payer les heures à l'échéance normale, le représentant du personnel peut obtenir paiement par la voie du référé prud'homal (Cass. soc. 23-6-1988 n° 85-45.086 D ; 10-1-2006 n° 04-46.838 F-D et 04-46.839 F-D).
Ainsi, non seulement la Cour de cassation exige du salarié qu’il justifie du temps passé en dehors de l’entreprise pour l’exercice de sa mission, mais elle lui impose de produire un document émanant d’un tiers : au vu de la rédaction de la décision, on peut considérer que l’employeur pourrait légitimement refuser de rémunérer le salarié qui produit, par exemple, une simple attestation sur l’honneur.
A notre avis :
Si le salarié doit fournir à son employeur les attestations des salariés assistés pour pouvoir être rémunéré, il n’est pas exigé qu’il doive le faire avant de s’absenter pour exercer son activité d’assistance.