Une femme née en 1992 est inscrite sur les registres de l’état civil comme étant née à Barcelone d’un père français, qui l’a reconnue.
Au décès du père, ses frères et sœurs assignent l’intéressée et sa mère en contestation de la reconnaissance de paternité et aux fins d’expertise biologique. En première instance, l’action en contestation de paternité est déclarée recevable. Cette décision est confirmée par un arrêt avant dire droit de la cour d’appel de Montpellier, qui ordonne une expertise biologique. Selon les juges d’appel, les articles 334 et 321 du Code civil permettent, à défaut de possession d’état conforme au titre, à toute personne qui y a intérêt, d’agir en contestation de paternité dans un délai de 10 ans commençant à courir le 1er janvier 2006. Un arrêt ultérieur de la même cour d’appel annule la reconnaissance de paternité.
Un pourvoi est formé contre les deux arrêts de la cour d’appel.
La Haute Juridiction casse l’arrêt ayant déclaré l’action en contestation de paternité recevable, et par voie de conséquence, celui ayant annulé la reconnaissance. Elle rappelle que selon l’article 311-17 du Code civil, la reconnaissance volontaire de paternité ou de maternité est valable si elle a été faite en conformité, soit de la loi personnelle de son auteur, soit de la loi personnelle de l’enfant. Il en résulte que l’action en contestation d’une reconnaissance de paternité doit être possible tant au regard de la loi de l’auteur de celle-ci que de la loi de l’enfant et que la recevabilité de l’action doit être appréciée au regard des deux lois. Enfin, s’agissant de droits indisponibles, il incombe au juge français de mettre en application la règle de conflit de lois et de rechercher le droit étranger compétent.
L’intéressée ayant la nationalité espagnole, le juge français devait vérifier d’office si la contestation de reconnaissance paternelle était recevable au regard, non seulement de la loi française, loi de son auteur, mais également de la loi espagnole, loi personnelle de l’enfant.
A noter : Il a été admis en jurisprudence, après quelques hésitations, que la règle de conflit de lois posée par l’article 311-17 du Code civil est applicable à la contestation de la reconnaissance de paternité. Dès lors, il est logique qu’il faille prouver que la reconnaissance doit être contestable, et l’action en contestation recevable, à la fois selon la loi nationale de l’auteur de la reconnaissance et selon la loi nationale de l’enfant. Un arrêt de 2013, appliquant directement la loi française, loi personnelle du père, sans se référer à l’article 311-17 avait suscité une certaine perplexité (Cass. 1e civ. 15-5-2013 n° 11-12.569 FS-PBI : Rev. crit. DIP 2014 p. 99 obs. E. Gallant). Le présent arrêt apporte donc une clarification opportune, notamment lorsque la détermination de la filiation se pose comme question préalable au règlement d’une succession.
David LAMBERT, avocat à la cour et co-auteur du Mémento Droit de la famille
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit de la famille n° 73040