1. On se souvient que le Conseil constitutionnel a récemment déclaré la contribution de 3 % sur les revenus distribués contraire à la Constitution et que cette inconstitutionnalité, qui a pris effet le 8 octobre dernier, s’applique à toutes les affaires non jugées définitivement à cette date (Cons. const. 6-10-2017 n° 2017-660 QPC : La Quotidienne du 10 octobre 2017 et article G. Blanluet et S. Austry à La Quotidienne du 6 juillet 2017). Devant l’ampleur du coût lié aux contentieux en cours et à venir, le choix a été fait de créer deux contributions exceptionnelles, additionnelles à l’impôt sur les sociétés, et frappant les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un milliard d’euros.
Le projet de loi de finances rectificative qui institue les contributions a été discuté hier à l'Assemblée nationale et le sera jeudi 9 novembre au Sénat.
A noter : ces contributions exceptionnelles présentent de fortes similitudes avec la contribution exceptionnelle prévue à l’article 235 ter ZAA du CGI qui s’est appliquée aux exercices clos entre le 31 décembre 2011 et le 30 décembre 2016. Rappelons que cette contribution, qui ne concernait initialement que les exercices clos jusqu’au 30 décembre 2013, avait finalement été prorogée à deux reprises et avait vu son taux augmenter de 5 % à 10,7 %.
Personnes morales assujetties
2. Seraient concernées par la première contribution exceptionnelle les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 1 milliard d'euros.
Une seconde contribution, additionnelle à la première, frapperait les redevables de l'impôt sur les sociétés réalisant un chiffre d'affaires égal ou supérieur à 3 milliards d'euros.
3. Le chiffre d'affaires permettant de déterminer si une société entre dans le champ de ces contributions s'entendrait du chiffre d'affaires réalisé par le redevable au cours de l'exercice ou de la période d'imposition, ramené à douze mois le cas échéant.
4. Pour la société mère d'un groupe d’intégration fiscale au sens de l’article 223 A du CGI, le chiffre d’affaires à retenir s’entendrait de la somme des chiffres d'affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.
Montant des contributions exceptionnelles
5. La première contribution (qui concernerait les entreprises dont le chiffre d’affaires excède un milliard d’euros) serait égale à 15 % de l’impôt sur les sociétés dû au titre des exercices clos à compter du 31 décembre 2017 et jusqu'au 30 décembre 2018 déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
Il s’agirait de l’impôt sur les sociétés dû à raison des résultats imposables aux taux mentionnés à l'article 219 du CGI, c’est-à-dire au taux de droit commun (33,1/3 %) et aux taux réduits prévus pour l’imposition des plus-values à long terme (19 % et 15 %).
6. La seconde contribution, additionnelle à la première, concernerait les entreprises dont le chiffre d’affaires est au moins égal à trois milliards d’euros. Elle s’appliquerait aux mêmes exercices que la première contribution et son taux serait également fixé à 15 %. Les deux contributions ayant la même assiette imposable, ces entreprises seraient en pratique assujetties à une imposition supplémentaire représentant 30 % de leur impôt sur les sociétés. Pour ces dernières, le taux effectif d’impôt sur les sociétés, prenant en compte également la contribution sociale prévue à l’article 235 ter ZC du CGI, s’élèverait ainsi à 44,43 %.
7. Dans les groupes d’intégration fiscale au sens de l’article 223 A du CGI, les contributions seraient dues par la société mère. Elles seraient assises sur l’impôt sur les sociétés afférent au résultat d'ensemble et à la plus-value nette d'ensemble, déterminé avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.
Paiement des contributions
8. La contribution exceptionnelle et sa contribution additionnelle seraient payées spontanément au comptable public compétent, au plus tard à la date prévue pour le versement du solde de liquidation de l'impôt sur les sociétés.
Les réductions et crédits d'impôt et les créances fiscales de toute nature ne seraient pas imputables sur les deux nouvelles contributions.
9. Elles donneraient chacune lieu à un versement anticipé à la date prévue pour le paiement du dernier acompte d'impôt sur les sociétés de l'exercice ou de la période d'imposition. Par dérogation, les redevables clôturant leur exercice le 31 décembre 2017 s’acquitteraient de ces versements anticipés au plus tard le 20 décembre 2017. Les montants de ces versements anticipés seraient fixés respectivement à 95 % des montants des contributions estimées au titre de l’exercice ou de la période d’imposition en cours.
10. Si les montants des versements anticipés sont supérieurs aux contributions finalement dues, l'excédent de versement serait restitué dans les trente jours à compter de la date de dépôt du relevé de solde de l’impôt sur les sociétés.
11. En cas d’insuffisance du versement anticipé, l'intérêt de retard et une majoration de 5 % seraient appliqués à la différence entre :
- d’une part, 95 % du montant de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés due au titre d'un exercice ;
- et, d'autre part, 95 % du montant de cette contribution estimée au titre du même exercice servant de base au calcul du versement anticipé.
Ces pénalités ne seraient toutefois appliquées que si cette différence est supérieure à 20 % du montant de la contribution et à 1,6 million d’euros.
En tout état de cause, ces sanctions ne s’appliqueraient pas si le montant estimé des contributions a été déterminé à partir de l’impôt sur les sociétés lui-même estimé à partir du compte de résultat prévisionnel mentionné à l'article L 232-2 du Code de commerce, révisé dans les quatre mois qui suivent l'ouverture du second semestre de l'exercice, avant déduction de l'impôt sur les sociétés.
Pour la société mère d'un groupe d’intégration fiscale, le compte de résultat prévisionnel s'entendrait de la somme des comptes de résultat prévisionnels des sociétés membres du groupe.
Des dispositions similaires étaient prévues en cas d’insuffisance de versement de l’acompte de contribution exceptionnelle de 10,7 % en application de l’article 1731 A bis du CGI (IS-VIII-2520 s.).
Contrôle des contributions
12. La contribution exceptionnelle et la contribution additionnelle seraient établies, contrôlées et recouvrées comme l'impôt sur les sociétés et sous les mêmes garanties et sanctions. Les réclamations seraient présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à ce même impôt.
Patrice MULLER