Au décès du propriétaire d’un domaine agricole, ses quatre enfants en recueillent la nue-propriété et sa veuve l’usufruit. Cette dernière consent à l’une de ses filles et à l’époux de celle-ci un bail sur le domaine. Quinze jours après le jugement annulant ce bail, l’usufruitière consent à sa fille et son gendre une convention pluriannuelle de pâturage sur les mêmes parcelles. Deux des enfants nus-propriétaires demandent l’annulation de cette convention passée sans leur concours, et l’expulsion des preneurs.
La cour d’appel rejette leur demande. Elle retient que l’usufruitier peut passer seul une convention pluriannuelle de pâturage qui s’apparente à une convention d’occupation précaire soumise au régime général du bail.
Arrêt censuré. La Cour de cassation rappelle, d’une part, que l’usufruitier ne peut, sans le concours du nu-propriétaire, donner à bail un fonds rural, et, d’autre part, que les terres à vocation pastorale peuvent donner lieu à des conventions pluriannuelles d’exploitation agricole ou de pâturage d’une durée minimale de cinq ans (C. civ. art. 595 et C. rur. art. L 481-1).
Puis elle énonce que la condition de concours du nu-propriétaire s’applique à tous les baux portant sur un fonds rural, qu’ils paraissent soumis ou non au statut du fermage lors de la conclusion du contrat, et que le droit d’exploiter résultant d’une convention pluriannuelle de pâturage ne se réduit pas à la tolérance d’une occupation précaire.
A noter : Confirmation d’une jurisprudence ancienne selon laquelle l’article 595, alinéa 4 du Code civil « s’applique à tous les baux de biens ruraux, qu’ils paraissent soumis ou non au statut du fermage à l’époque de la conclusion du contrat » (Cass. 3e civ. 14-11-1972 n° 71-12.924). C’est en revanche la première fois qu’est précisée l’application de ce principe à la convention pluriannuelle de pâturage. Cette dernière n’est pas soumise au statut du fermage (C. rur. art. L 411-1 à L 418-5). Elle constitue toutefois un bail portant sur un fonds rural auquel s’appliquent les dispositions de l’article 595, alinéa 4 du Code civil. Notons qu’en application de ces mêmes dispositions, si le nu-propriétaire refuse de donner son accord à la conclusion du bail, l’usufruitier peut être autorisé par le juge à passer seul cet acte.
Rémy FOSSET
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Patrimoine n° 3063