Un homme marié sous le régime de la séparation de biens (régime marocain) achète en 1990 un bien immobilierà Paris. Il décède en mars 2008, laissant pour lui succéder ses trois enfants issus d’un premier mariage et son épouse. Les copartageants s’opposent sur plusieurs sujets. Notamment, la veuve revendique, en 2014, une créance contre la succession pour avoir intégralement financé l’acquisition de l’immeuble précité. Les enfants lui opposent la prescription.
La cour d’appel rejette cette fin de non-recevoir : leur rapport constituant une opération de partage, les dettes ne sont pas exigibles pendant toute la durée de l’indivision et la prescription de l’obligation qui leur a donné lieu est suspendue jusqu’à la clôture des opérations de partage.
Censure de la Cour de cassation. Les créances détenues par l’un des copartageants sur la succession relèvent de la prescription de droit commun (C. civ. art. 2224) ; elles ne sont pas régies par les articles 864 et 865 du Code civil.
A noter : Les articles 864 et 865 du Code civil s’appliquent aux dettes des copartageants à l’égard de la succession : l’héritier est alloti de sa dette qui est payée par confusion avec ses droits dans la masse successorale ; la dette n’est pas exigible avant le partage.
Certains ont pu penser que ce mécanisme s’appliquait aussi aux créances des copartageants, notamment en raison de l’existence du compte d’indivision qui permet, le cas échéant, le jeu de la compensation entre les dettes et créances des copartageants à l’égard de l’indivision. La Cour de cassation rappelle qu’il n’en est rien. En effet, ce compte n’est qu’un « simple compte analytique (…) qui n’influe en rien sur le régime juridique [des créances et dettes inscrites], notamment sur leur exigibilité » (M. Grimaldi, droit des successions, 7e ed. p. 740). Le droit de poursuite des créanciers du défunt, fussent-ils des indivisaires, n’est pas suspendu jusqu’au partage (C. civ. art. 815-17). La prescription applicable à leurs créances ne l’est pas non plus.
En l’espèce, la prescription a commencé à compter du décès puisqu’elle ne court pas entre époux (C. civ. art. 2236). En cas de réduction de la durée de prescription, le nouveau délai court à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi nouvelle, sans que la durée totale puisse excéder celle prévue par la loi antérieure (C. civ. art. 222). La prescription de droit commun étant passée de 30 à 5 ans, ce nouveau délai a couru à compter du 19 juin 2008, date d’entrée en vigueur de la réforme de la prescription (Loi 2008-561 du 17-6-2008). Il a expiré le 19 juin 2013.
Dominique CHAMINADE
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Patrimoine n° 23245 s.