La caution qui a payé la dette est subrogée dans tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur (C. civ. art. 2306). Si cette subrogation est devenue impossible du fait du créancier, la caution est déchargée de son obligation (C. civ. art. 2314).
Une banque consent à une société un prêt garanti par un cautionnement. Après la défaillance de la société et sa mise en liquidation judiciaire, la banque poursuit en paiement la caution. Cette dernière demande à être déchargée de son engagement sur le fondement de l'article 2314 du Code civil. Elle lui reproche en effet de n'avoir pasvendule fonds de commerce de la société qui était nanti à son profit, dès la défaillance de la société, quand le fonds de commerce avait encore une valeur importante.
La demande de la caution est rejetée :
- le seul fait pour le créancier bénéficiaire du nantissement d'un fonds de commerce de ne pas faire ordonner la vente de ce dernier, dès la défaillance du débiteur principal (C. com. art. L 143-5) ou, sur le fondement de l'article L 643-2 du Code de commerce, après l'ouverture de la liquidation judiciaire du débiteur, ne constitue pas une faute au sens de l'article 2314 du Code civil ;
- il incombe à la caution, qui se prévaut de l’article 2314, de démontrer la perte, par le fait exclusif du créancier, du droit dans lequel elle pouvait être subrogée, cette perte pouvant résulter du dépérissement de l'assiette du gage. Au cas particulier, la caution ne justifiait pas de l’évaluation du fonds au jour de l’ouverture de la liquidation judiciaire et ne produisait pas le bilan de l’année de cette ouverture, de sorte qu’elle n'établissait pas que le fonds avait gardé toute sa consistance au jour de celle-ci ; par ailleurs, la perte de valeur du fonds de commerce était inexplicable, le fonds ayant été cédé deux fois, de sorte que la perte du nantissement n'était ni imputable au seul créancier, ni fautive, et n'avait causé aucun préjudice à la caution.
A noter : confirmation de jurisprudence L'article L 142-1, al. 2 du Code de commerce ne donne pas au créancier nanti sur un fonds de commerce le droit de se le faire attribuer en paiement et jusqu'à due concurrence (Cass. com. 8-10-2003 n° 00-22.382 F-D : RJDA 3/04 n° 272). En conséquence, le créancier inscrit ne commet pas de faute en n’exerçant pas la faculté de demander la vente où il pourra être en concours avec d’autres créanciers. Mais la caution peut invoquer le dépérissement du fonds nanti dès lors que celui-ci est dû au fait du créancier (Cass. com. 3-11-1975 n° 74-11.845 : Bull. civ. IV n° 247 ; Cass. 1e civ. 26-1-1999 n° 96-22.069 F-D : RJDA 3/99 n° 341). Encore faut-il que la caution prouve l’existence de la perte de valeur de l’objet de la sûreté, ce qu’en l’espèce elle n’est pas parvenue à faire.
Par ailleurs, l'invocation de la perte du bénéfice de subrogation est subordonnée à l'existence d'un préjudice subi par la caution, lequel suppose que cette dernière aurait pu tirer un profit effectif des droits susceptibles de lui être transmis par subrogation (notamment, Cass. 3e civ. 4-12-2002 n° 01-03.567 : RJDA 4/03 n° 443 ; Cass. com. 5-6-2007 n° 06-12.632 : RJDA 11/07 n° 1151 ; Cass. com. 11-5-2010 n° 09-13.308 : RJDA 11/10 n° 1105).
Il appartient à la caution qui invoque l’extinction de son engagement d’établir que la subrogation a été rendue impossible par le fait du créancier (Cass. 1e civ. 13-11-1996 n° 1823 : RJDA 3/97 n° 396), mais il revient au créancier qui prétend que le droit dans lequel la caution n'a pu être subrogée n'aurait été pour elle d'aucun avantage de le prouver (Cass. com. 8-4-2015 n° 13-22.969 F-PB : BRDA 13/15 inf. 13 et la jurisprudence citée).
Sophie CLAUDE-FENDT
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 55800 et 55811 s.