L'action intentée par un comité d'entreprise afin de contraindre l'employeur à respecter son engagement unilatéral sur l'emploi est-elle recevable ? La chambre sociale de la Cour de cassation apporte à cette question une réponse négative. Réponse transposable, à notre sens, au comité social et économique.
En l'espèce, un employeur s'était engagé à maintenir sur un site, pendant une durée de 5 ans, un effectif de 1 000 emplois en contrats à durée indéterminée et en équivalent temps plein.
L'effectif du site étant passé, au cours de la période concernée, au-dessous de ce palier, le comité d'entreprise et un syndicat avaient saisi le tribunal de grande instance pour faire condamner la société, sous astreinte, à respecter son engagement et à leur verser des dommages et intérêts.
La cour d'appel ayant fait droit aux demandes du comité et du syndicat, la société s'était pourvue en cassation. Parmi les moyens invoqués, figurait celui de l'irrecevabilité de l'action du comité. C'est le seul qui ne soit pas rejeté.
Pour juger recevable l'action du comité, la cour d'appel, infirmant sur ce point le jugement de première instance, avait retenu que l'effectif de l'entreprise fait partie de l'information que l'employeur doit donner annuellement au comité d'entreprise et que le litige portait sur la question des effectifs.
À tort pour la chambre sociale de la Cour de cassation : le comité d'entreprise n'a pas qualité pour intenter une action visant à obtenir le respect ou l'exécution d'un engagement unilatéral de l'employeur.
L'arrêt est donc cassé, au visa des articles 31 du Code de procédure civile et L 2323-1 du Code du travail, dans sa rédaction alors en vigueur, et la décision de première instance confirmée.
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A notre avis :
Cette décision, qui concerne les engagements unilatéraux de l'employeur en général et pas seulement ceux sur l'emploi, ne surprend pas. Il a déjà été jugé, dans un arrêt ancien, que le comité n'est pas recevable à demander en justice qu'il soit prononcé sur la force exécutoire d'une décision unilatérale de l'employeur relative au paiement de certaines heures de travail, même annoncée lors de l'une de ses réunions (Cass. soc. 23-10-1985 n° 84-14.272 P : Bull. civ. V n° 486). On peut aussi rapprocher la solution de la jurisprudence de la Cour selon laquelle le comité n'a pas qualité pour intenter une action visant à obtenir l'exécution des engagements contractés par l'employeur dans un accord collectif (Cass. soc. 20-9-2006 n° 04-10.765 FS-PB : RJS 12/06 n° 1300 ; Cass. soc. 2-3-2011 n° 10-13.547 F-D : RJS 5/11 n° 434 ; Cass. soc. 19-11-2014 n° 13-23.899 FS-PB : FRS 27/14 inf. 10 p. 15), peu important que l'accord, affectant l'emploi des salariés, soit en rapport avec ses attributions (Cass. soc. 19-11-2014 n° 13-23.899 précité).
En effet, le comité (auparavant d'entreprise, en application de l'article L 2323-1 ancien du Code du travail, et aujourd'hui social et économique, en vertu de l'article L 2312-8 du même Code qui en reprend les termes) a pour mission d'assurer une expression collective des salariés et est le lieu où s'exercent l'information et la consultation du personnel. Il n'est pas, en revanche, une institution de défense des salariés pouvant agir en justice en dehors de la défense de ses intérêts propres en tant qu'institution de consultation (d'où la mention de l'article 31 du Code de procédure civile, qui réserve l'action, sauf exceptions, à ceux ayant un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention).
On relèvera que, en cas de méconnaissance par l'employeur de ses engagements unilatéraux, l'action peut être engagée par les salariés eux-mêmes et, le cas échéant, par les organisations syndicales, au nom de l'intérêt collectif de la profession qu'ils représentent. En l'espèce, l'action du syndicat a d'ailleurs été jugée recevable et fondée.