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CSE et détermination des établissements distincts : l’employeur doit passer par la case négociation

Obligation, ou non, de tenter de négocier avec les syndicats avant de prendre une décision sur les établissements distincts, forme de la notification de la décision de l'employeur, sanction de la violation de la suspension légale du processus électoral en cas de désaccord sur les établissements distincts....Dans un arrêt destiné à une large publication, qui fait l’objet d’une note explicative sur son site, la chambre sociale de la Cour de cassation se prononce sur ces trois points.

Cass. soc. 17-4-2019 n° 18-22.948 PBRI


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1. Une société invite les organisations syndicales à la négociation du protocole d’accord préélectoral pour l’élection de la délégation du personnel au CSE. L'employeur prévoit un CSE unique. Estimant qu'il y a lieu de mettre en place un CSE central et des CSE d’établissement, les syndicats lui réclament des négociations préalables sur le périmètre de mise en place des CSE. L'employeur passe outre et, en l’absence d’accord préélectoral, saisit le Direccte afin qu’il décide de la répartition des électeurs et des sièges au sein des collèges électoraux dans le cadre d’un CSE unique. Le Direccte rend sa décision de répartition et des élections sont organisées sur cette base.

Entre temps, les syndicats ont saisi le Direccte d’une contestation de la décision unilatérale de l’employeur de mettre en place un CSE unique, demandant à ce que soit reconnue l’existence de 6 établissements distincts au sein de l’entreprise. En réponse, le Direccte décide que, en l’absence de négociations sur le nombre et le périmètre des établissements distincts composant la société, la demande des organisations syndicales doit être rejetée, mais que l’employeur doit ouvrir des négociations sur le nombre et le périmètre des établissements distincts, conformément à l’article L 2313-2 du Code du travail. L’employeur conteste cette décision devant le tribunal d’instance, qui lui enjoint de reprendre les négociations sur le périmètre de mise en place du ou des CSE.

2. L’employeur forme un pourvoi en cassation contre le jugement. Il est rejeté.

Pour la Cour de cassation, c'est à bon droit que le tribunal d'instance, qui a constaté que les syndicats avaient saisi le Direccte d'une demande de fixation des établissements distincts, a dit que la société est tenue d'engager des négociations sincères et loyales concernant le nombre et le périmètre de ces établissements afin de permettre aux parties d'envisager l'élection de CSE d'établissement en application de l'article L 2312-2 du Code du travail et que, en l'absence de telles négociations préalables, les décisions unilatérales prises par l'employeur n'ont fait courir aucun délai, qui serait opposable aux syndicats, pour solliciter l'arbitrage du Direccte.

La violation de la suspension légale du processus électoral vicie les élections

3. L’employeur faisait tout d’abord valoir que les syndicats n'avaient formé aucune demande d’annulation des élections des membres de la délégation du personnel au CSE dans le délai de forclusion de 15 jours prévu par l’article R 2314-24 du Code du travail, si bien que ces élections étaient purgées de tout vice et que l'engagement de nouvelles négociations était dépourvu de tout effet juridique.

4. L'argument n'est pas accueilli. Pour la chambre sociale, les élections organisées par l’employeur en dépit de la suspension légale du processus électoral et de la prorogation légale des mandats des élus en cours peuvent faire l’objet d’une demande d’annulation de la part des syndicats ayant saisi l’autorité administrative d’une demande de détermination des établissements distincts, dans le délai de l’article R 2314-24 du Code du travail de contestation des élections courant à compter de la décision du Direccte fixant le nombre et le périmètre des établissements distincts.

A noter : Dans sa note explicative, après avoir rappelé sa jurisprudence constante selon laquelle un contentieux préélectoral perd son fondement juridique si, avant qu’il ne soit définitivement tranché, les élections ont lieu sans être contestées (par exemple, Cass. soc. 4-7-2018 n° 17-21.100 FS-PB : RJS 10/18 n° 621), la chambre sociale relève que la situation d’espèce différait, pour deux raisons, des cas précédents.

Tout d'abord, la contestation du périmètre des élections n’est plus, aux termes de l’article L 2313-1 du code du travail, une contestation préélectorale, dès lors que la détermination de ce périmètre peut se faire à tout moment, en dehors du processus électoral, et ce par accord collectif de droit commun.

Ensuite et surtout, l’article L 2313-5 du Code du travail dispose expressément qu’en cas de saisine du Direccte sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts, le processus électoral est suspendu jusqu’à la décision administrative et entraîne la prorogation des mandats des élus en cours jusqu’à la proclamation des résultats du scrutin. Dès lors, pendant cette période, les délais de contestation du processus électoral sont également suspendus, et ne recommencent à courir qu’à compter de la notification de la décision du Direccte. Or, en l’espèce, l’employeur avait organisé les élections alors que le Direccte était saisi d’une contestation sur le nombre et le périmètre des établissements distincts, et le Direccte n’avait pas statué sur ce nombre, puisqu’il avait renvoyé à l’obligation préalable de négociation des parties. Il en résultait que les délais de recours contre les élections déjà organisées n’avaient pas commencé à courir, et que le contentieux relatif à la décision du tribunal d’instance n’avait pas perdu tout fondement.

L’employeur ne peut pas décider unilatéralement sans avoir essayé de négocier loyalement

5. À l’appui de sa décision, le tribunal d’instance avait jugé que seul le refus d’entrée en négociation de la partie salariée, le désaccord manifeste ou l’absence de signature d’un accord à l’issue du délai de négociation autorisent l’employeur à adopter une décision unilatérale. L’employeur faisait valoir que les juges avaient ajouté à la loi une condition qu’elle ne comportait pas.

6. Ce n'est pas la position de la Haute Juridiction. Pour elle, en effet, il résulte des articles L 2313-2 et L 2313-4 du Code du travail que ce n’est que lorsque, à l’issue d’une tentative loyale de négociation, un accord collectif n’a pas pu être conclu que l’employeur peut fixer par décision unilatérale le nombre et le périmètre des établissements distincts. En l’absence de toute tentative de négociation de la part de l’employeur, sa décision unilatérale devait être annulée, sans que le Direccte ait à se prononcer sur le nombre et le périmètre des établissements distincts tant que des négociations n’auraient pas été préalablement engagées.

A noter : Selon l’article L 2313-4 du Code du travail, en l’absence d’accord d’entreprise, le nombre et le périmètre des établissements distincts sont fixés par décision de l’employeur. Cette formule « en l’absence d’accord d’entreprise » a donné lieu à des controverses doctrinales, certains auteurs estimant que l’employeur est entièrement libre de choisir entre les voies négociée et unilatérale, d’autres pensant qu’il doit, avant de décider unilatéralement « passer par la case négociations  ».

La Cour de cassation tranche en faveur de la seconde solution. Selon sa note explicative, « au regard de la prévalence accordée par le législateur à la négociation collective pour la détermination du processus électoral et de l’importance particulière, à cet égard, de la détermination du périmètre de mise en place des institutions représentatives du personnel, [elle] affirme que ce n’est qu’après avoir loyalement, mais vainement, tenté de négocier un accord sur le nombre et le périmètre des établissements distincts que l’employeur peut les fixer par décision unilatérale. »

La notification par l’employeur de sa décision unilatérale doit être formalisée

7. L’employeur faisait valoir, enfin, que, lorsqu’il prend une décision sur la détermination du nombre et du périmètre des établissements distincts, les syndicats ont 15 jours pour la contester à compter de cette information devant le Direccte, en application de l'article R 2313-1 du Code du travail. Or, en l’espèce, ils avaient largement dépassé ce délai.

L’argument est rejeté. Pour la chambre sociale, la notification de la décision prise par l’employeur en matière de fixation du nombre et du périmètre des établissements distincts consiste en une information, spécifique et préalable à l’organisation des élections professionnelles au sein des établissements distincts ainsi définis, qui fait courir le délai de recours devant le Direccte conformément à l’article R 2313-1 du Code du travail. En l’absence d’information préalable régulière, le délai de contestation ne court pas.

A noter : Comme souligné dans la note explicative de l'arrêt, l’article R 2313-1 du Code du travail confère à l’acte de l’employeur portant sa décision unilatérale à la connaissance des syndicats une importance particulière. Ce qui implique une information en bonne et due forme, c'est-à-dire spécifique et préalable. Or, en l'espèce, l’employeur s’était contenté d’indiquer aux organisations syndicales, à l’occasion de leur invitation à négocier les modalités du scrutin, que ce scrutin s’effectuerait sur le périmètre d’un CSE unique.

Pascale PEREZ DE ARCE

Pour en savoir plus sur la mise en place et le périmètre des établissements distincts : voir Mémento Social nos 9470 s.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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