Ayant reçu de l’administration fiscale une proposition de rectification de son imposition, une société confie la défense de ses intérêts à un avocat, moyennant des honoraires de résultat calculés sur la différence éventuellement obtenue entre la rectification initiale et la somme finalement due. La société est mise en sauvegarde puis bénéficie de dégrèvements fiscaux. L’avocat facture ses honoraires (environ 70 000 €) à la société et en réclame le paiement.
Les juges du fond ordonnent le paiement, estimant que la créance d’honoraires est née régulièrement après le jugement ayant ouvert la procédure de sauvegarde et doit donc être payée à son échéance (application de l’article L 622-17 du Code de commerce). Pour eux, en effet, la créance est née des dégrèvements accordés par l’administration fiscale après cette ouverture et elle a été facturée après.
La Cour de cassation censure cette décision. La date du fait générateur de la créance d’honoraires de résultat ne se confond pas avec la date de son exigibilité ; cette créance naît à la date de l'exécution de la prestation caractéristique qui a permis d’obtenir le résultat escompté. Ni l’obtention du résultat attendu, en l'espèce les dégrèvements, ni l'établissement de la facture d’honoraires par l’avocat, ou son exigibilité, ne donnent naissance à cette créance.
A noter : seules les créances nées régulièrement après le jugement ouvrant la sauvegarde et pour les besoins du déroulement de cette procédure ou de la période d'observation, ou en contrepartie d'une prestation fournie au débiteur pendant cette période, bénéficient d'un paiement privilégié (paiement à leur échéance ou si elles ne le peuvent pas, paiement par privilège à la plupart des créances) (C. com. art. L 622-17). Les autres créances – celles nées avant l’ouverture de la procédure ainsi que celles nées après mais ne répondant pas aux conditions précitées – doivent être déclarées dans le cadre de la procédure et leur paiement ne peut intervenir que lors de la répartition des dividendes, notamment une fois réglées les créances visées par l’article L 622-17 (art. L 622-24). Ces règles s’appliquent aussi en cas de redressement judiciaire (art. L 631-14, al. 1). Pour la liquidation judiciaire, le cercle des créances bénéficiant d’un traitement préférentiel est un peu élargi (art. L 641-13).
Pour déterminer la date de naissance d’une créance contractuelle, la doctrine distingue souvent :
- la thèse volontariste selon laquelle le fait générateur de la créance est toujours le contrat ;
- la thèse matérialiste selon laquelle le fait générateur de la créance se trouve dans l'exécution du contrat ; il faut alors s'attacher à la « contrepartie caractéristique », c'est-à-dire l'obligation principale du contrat en contrepartie de laquelle un prix est dû.
Si la Cour de cassation ne retient pas toujours le même critère pour déterminer la date de naissance des créances, elle a plusieurs fois consacré la thèse matérialiste à propos de la créance d'honoraires d'un professionnel mandaté par l'entreprise débitrice. Il en est ainsi pour les honoraires d'un commissaire aux comptes (Cass. com. 2-10-2001 n° 98-22.493 FS-PB : RJDA 2/02 n° 171) ou d'un avocat (Cass. com. 19-6-2007 n° 05-17.074 FS-PB : RJDA 10/07 n° 987). Pour la commission due à un mandataire (non avocat) chargé de rechercher des aides, subventions et crédits d'impôt et ayant pour assiette le résultat obtenu, il a été jugé que la date du fait générateur de la créance ne se confond pas avec celle de l'exigibilité de la commission et que la créance d'honoraires de résultat ne naît pas à la date du paiement (des aides, subventions ou crédits d’impôt), mais à celle de l'exécution de la prestation caractéristique (Cass. com. 27-9-2011 n° 10-21.277 FS-PB : BRDA 20/11 inf. 9). De même, la créance d'honoraires de résultat d'un avocat naît à la date de l'exécution de la prestation caractéristique et non pas à la date de la convention d'honoraires (Cass. com. 24-3-2015 n° 14-15.139 FS-PB : RJDA 11/15 n° 763). Est également indifférente la date d'exigibilité ou de facturation de la créance (Cass. com. 27-2-2007 n° 06-11.500 F-D).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 61810 et 61728