C’est la dernière ligne droite pour les entreprises. Après sept semaines de confinement, elles doivent faire des choix cruciaux pour sécuriser le retour des salariés et le redémarrage de l’activité à partir du 11 mai. Port du masque ou non sur le lieu de travail, prise de température, tracking, réaménagement de l’espace de travail, organisation des flux de circulation, communication auprès des salariés : autant de questions que les DRH doivent trancher avant le jour J. Sont-ils prêts ? L’ANDRH, qui regroupe quelque 5 000 professionnels RH, a mené une enquête flash, entre le 20 et 27 avril, auprès de ses adhérents pour donner les grandes lignes des plans de déconfinement en préparation. 531 ont répondu.
Un travail de fourmi, car tout doit être repensé dans les moindres détails pour organiser la cohabitation des salariés, selon trois axes : mettre en place des mesures d’hygiène drastiques, repenser l’organisation du travail et réorganiser les flux de circulation.
L’ANDRH est d’ailleurs auditionnée aujourd’hui sur ce sujet par la commission des affaires sociales du Sénat.
Des DRH réticents au tracking
Les précautions sanitaires sont, tout d’abord, un point particulièrement sensible. 85 % des DRH sondés ont anticipé les commandes de masques dits "grand public" et de gels hydroalcooliques. Mais des difficultés d’approvisionnement se font jour notamment pour les petites structures. La distribution d’équipements complémentaires (lunettes-visières, sur-blouse) est également à l’ordre du jour. A l’inverse, la prise de température à l’entrée de locaux ne devrait pas être systématique : seule la moitié des répondants y est favorable. De même, la mise en place d’un tracking, via l'application de traçage "Stop Covid", qui doit permettre de retrouver les contacts avec des personnes porteuses du coronavirus, au niveau de l’entreprise, ne recueille que peu d’adhésion. Seul un tiers se prononce pour son utilisation.
"Les DRH préfèrent investir sur des mesures d’accompagnement sanitaire, de sécurité, d’hygiène plutôt que sur des mesures dites intrusives qui nécessitent l’accord du salarié, observe Audrey Richard, présidente de l’ANDRH. Ils ne veulent pas allez aussi loin, ces mesures ne concernent pas le travail". D’autant qu’ils anticipent plusieurs difficultés. A commencer par le refus du personnel et des partenaires sociaux, suivi par le respect du RGDP ou le secret médical.
Des formations aux gestes barrière et de distanciation sociale pourraient également être programmées. Des kits de désinfection devraient être mis à la disposition des salariés au point de passages fréquents (photocopieuse, par exemple) ainsi que des gants.
Aménagement des espaces de travail et des horaires
Côté organisation du travail, 86 % des DRH sondés indiquent organiser un retour progressif du personnel au bureau. "Le 11 mai, beaucoup d’entreprises vont rester dans la situation d’aujourd’hui, en attendant que la situation de l’école ne se stabilise, hormis pour les postes clefs ou les personnes qui ne peuvent pas télétravailler", poursuit Audrey Richard.
Pour éviter que la relance de l’économie ne réactive l’épidémie, ce mode de travail restera de mise jusqu’à fin juin voire jusqu’à la rentrée scolaire de septembre. Des systèmes de roulement télétravail/ travail sur site (alternance entre semaines paires et impaires ou des jours de la semaine) pourraient aussi être organisés.
Par ailleurs, plus de la moitié des DRH sondés ont prévus des aménagements d’horaires pour limiter le croisement des salariés lors des entrées et des sorties de l’entreprise.
La crise sanitaire devrait également permettre de refaçonner les espaces de travail. Les salles de réunion se transforment pour accueillir les salariés présents, des parois en plexiglas devraient être installées sur les bureaux et l’accès aux espaces de restauration et aux machines à café fortement limité. Idem pour les ascenseurs (une personne).
Des marquages devraient être indiquées au sol dans les couloirs de circulation pour respecter les gestes barrière.
Le télétravail pérennisé ?
Ces mesures post-confinement font l’objet de discussions avec les partenaires sociaux. Les échanges formels restent les modalités privilégiées pour 84 % des DRH sondés. Mais les discussions ne se transforment pas forcément en négociation. Les accords signés pendant la crise concernent davantage l’organisation des congés payés/RTT/jours de repos (79 %), le développement du télétravail (68 %), l’aménagement du temps de travail (54 %) ou encore la rétribution des salariés (37 %).
Mais au-delà des mesures immédiates, de nouveaux modes de travail pourraient s’installer durablement. "Dans certaines entreprises, le calendrier des négociations sociales va être bousculé pour intégrer des accords de télétravail", souligne Audrey Richard. D’ailleurs, 46 % des professionnels RH sondés prévoient une négociation sur le sujet ou la renégociation de l’accord existant. Et 36 % envisagent la mise en place d’une charte ou d’une mise à jour. L’épidémie de Covid-19 pourrait ainsi amener la pérennisation du télétravail. Des DRH indiquent même mezza voce qu'ils commencent à réfléchir à la réduction des surfaces de travail. Le flex-office ou les bureaux partagés entre collègues pourraient, dans ce contexte, être promis à un bel avenir. La fin du bureau perso, en somme.
Anne BARIET
Cette information a été publiée sur le site actuEL RH