Le propriétaire d’une villa édifiée en vertu d’un permis de construire datant de 1962 obtient, en 2017, un permis de construire en vue, notamment, d’augmenter la surface de plancher de 40 m² et de créer des places de stationnement. Or, cette demande de permis ne mentionne pas certaines transformations de la villa ainsi que l’édification d’un garage, faites irrégulièrement. En dépit de cela, le propriétaire obtient son permis de construire.
En justice, le tribunal administratif constate l’illégalité du permis, refuse d’actionner les mécanismes légaux permettant le « rattrapage » du permis illégal (C. urb. art. L 600-5 et L 600-5-1) et l’annule en entier. Pourvoi.
Rejet. Le Conseil d’État rappelle que, dans le cas où une construction a fait l'objet de transformations irrégulières – faits qui n’étaient pas contestés en l’espèce –, le propriétaire qui envisage d'y faire de nouveaux travaux doit présenter une demande d'autorisation d'urbanisme portant sur l’existant irrégulier et les travaux projetés (CE 9-7-1986 n° 515172 : Lebon p. 201). Si le pétitionnaire ne respecte pas cette exigence, l’administration doit l’inviter à régulariser sa demande de permis. Cette invitation, précise le Conseil d’État, a pour seul objet d’informer le pétitionnaire de la procédure à suivre s’il entend poursuivre son projet. En revanche, elle n’est pas un préalable au refus que l’administration doit opposer à une demande portant sur les seuls nouveaux travaux envisagés.
Par ailleurs, le Conseil d’État approuve entièrement le tribunal administratif d’avoir refusé de donner une chance de régularisation au permis, compte tenu du motif d’annulation. Une telle illégalité n’est pas un vice susceptible de faire l'objet d’un sursis à statuer en vue d’une régularisation (C. urb. art. L 600-5-1) ou d’une annulation partielle (C. urb. art. L 600-5).
A noter :
Sur le principe, l’arrêt commenté se borne à réaffirmer la jurisprudence Thalamy bien établie. Quand des travaux sont envisagés sur une construction édifiée ou modifiée irrégulièrement, il faut demander une autorisation portant à la fois sur l’existant irrégulier et sur ce qui est projeté (CE 9-7-1986 n° 515172 : Lebon p. 201).
Dans le cas où l’irrégularité de l’existant tient à la méconnaissance de l’autorisation d’urbanisme qui avait été obtenue, il faut toutefois tenir compte de deux articles du Code de l’urbanisme qui viennent limiter la portée de cette règle :
l’article L 421-9 prévoit que, lorsqu'une construction est achevée depuis plus de 10 ans, l’administration ne peut pas se fonder sur l'irrégularité de la construction initiale pour refuser le permis ou s’opposer à la déclaration préalable (sous réserve de certaines exceptions et, notamment, en cas de travaux réalisés sans permis alors qu’il en fallait un) ;
l’article L 462-2 impartit à l’autorité compétente un délai à compter du dépôt de la déclaration d’achèvement des travaux pour contester la conformité des travaux à l’autorisation ; selon la jurisprudence, si elle ne l’a pas fait dans ce délai, fixé selon les cas à 3 ou 5 mois, elle ne peut pas exiger à l’occasion d’un projet de modification le dépôt d’une demande portant aussi sur l’existant (CE 26-11-2018 n° 411991 : BPIM 1/19 inf. 15).
Dans le cas, plus grave, où les travaux ont été réalisés sans permis de construire alors qu’un permis était requis, le propriétaire doit toujours présenter une demande portant à la fois sur l’existant et sur la modification qu’il envisage. L’autorité compétente déterminera si l’ensemble est ou non conforme à la réglementation d’urbanisme en vigueur à la date de sa décision. En cas de réponse positive, il délivrera le permis, ce qui reviendra à régulariser l’existant et à autoriser les nouveaux travaux. En cas de réponse négative, le permis devra en principe être refusé. Mais si les éléments de construction non autorisés antérieurement sont anciens et ne peuvent plus faire l’objet d’aucune action pénale ni civile, l’autorité compétente, après avoir apprécié les différents intérêts publics et privés en présence, peut autoriser, parmi les travaux envisagés, ceux qui sont nécessaires à la préservation de la construction et au respect des normes (CE 16-3-2015 n° 369553 : BPIM 3/15 inf. 155).
Sans remettre en cause ce système, l’arrêt commenté apporte deux précisions importantes relatives au cas où le pétitionnaire présente une demande portant uniquement sur les travaux nouveaux. L’administration doit informer l’intéressé qu’il doit présenter une demande portant également sur l’existant. Pour autant, elle n’a pas à attendre qu’il le fasse mais doit rejeter la demande incomplète dont elle a été saisie. Si elle accordait au vu de cette demande une autorisation portant sur les travaux modificatifs, elle prendrait une décision illégale. On pourrait alors se demander si cette décision serait susceptible de régularisation, ce qui impliquerait que le juge mette en œuvre les mécanismes prévus en pareille hypothèse par le Code de l’urbanisme : sursis à statuer en vue d’une régularisation dans le cadre de l’instance contentieuse (C. urb. art. L 600-5-1), annulation partielle assortie le cas échéant d’un délai de régularisation (C. urb. art. L 600-5). Le Conseil d’État répond négativement : l’autorisation délivrée au vu de la demande incomplète n’est pas régularisable et doit être immédiatement et intégralement annulée.