Sont institués entre deux fonds une servitude de surplomb et d’écoulement des eaux pluviales ainsi qu’une servitude de passage et de stationnement intermittent, afin d’accéder à un entrepôt situé sur le fonds dominant. Cet entrepôt est détruit. Les acquéreurs du fonds servant y entreprennent la construction de nouveaux ouvrages. Ils sont assignés en démolition par les propriétaires du fonds dominant : selon ces derniers, ces nouveaux ouvrages empêchent l’exercice des servitudes conventionnelles.
La Cour de cassation rejette la demande. L’exercice des servitudes de surplomb et d’écoulement des eaux pluviales est devenu impossible du fait de la démolition de l’entrepôt. La servitude de passage et de stationnement intermittent n’avait pour seule justification que la desserte de cet entrepôt. La destination de ces servitudes n’existe plus et la disparition de l’entrepôt a entraîné leur extinction.
A noter : les servitudes cessent lorsque les choses se trouvent en tel état qu’on ne peut plus en user (C. civ. art. 703). La servitude ne survit donc pas à l’impossibilité d’exercice. Cela peut, dans notre affaire, expliquer l’extinction des servitudes d’écoulement des eaux et de surplomb après la destruction du hangar.
Le même raisonnement s’applique-t-il aux servitudes de passage et de stationnement intermittent ? Avant les constructions dont la démolition a été demandée en l'espèce, ces servitudes étaient parfaitement praticables ; elles avaient simplement perdu tout intérêt pour le fonds dominant puisqu’elles n’avaient pour seule justification que la desserte de l’entrepôt désormais détruit.
L’inutilité d’une servitude conventionnelle entraîne-t-elle son extinction ? Cela ne découle pas clairement de l’article 703 du Code civil et n’a pas toujours été la position du juge (Cass. 3e civ. 27-5-1998 no 96-12.898 ; Cass. 3e civ. 25-10-2011 n° 10-25.906 F-D : BPIM 6/11 inf. 516).
Dans l'arrêt rapporté, la Cour de cassation décide pourtant que la destruction de l’entrepôt a entraîné la disparition de ces servitudes. Elle confirme ainsi le courant jurisprudentiel pour lequel une servitude affectée dans l’acte constitutif à une destination déterminée est éteinte dès lors que les choses se trouvent en tel état qu’on ne peut plus en user (Cass. 3e civ. 9-7-2003 n° 01-00.876 FS-PB).
Il est vrai que les articles 637 et 686 du Code civil définissent la servitude comme une charge imposée « pour l’usage et l’utilité d’un fonds » et qu’il peut ainsi paraître logique que la disparition de cette utilité entraîne l’extinction des servitudes (M. Bruschi, Revirement de jurisprudence : une servitude conventionnelle devenue inutile doit cesser : RDI 2006 p. 570). Mais une précision justifiait l’arrêt de 2003 précité : la Cour de cassation avait alors pris soin de relever l’affectation de la servitude à une destination déterminée et l’impossibilité d’en user, « conformément au titre ». S’agissant d’une servitude conventionnelle, c’est en effet le contenu de l’acte qui devrait déterminer si la servitude peut subsister. Rappelons à cet égard que pour l’un des meilleurs auteurs, « une servitude conventionnelle ne précisant pas son but précis aura peu de chance de devenir inutilisable et donc de s’éteindre » (H. Périnet-Marquet, Droit des biens : JCP G 2004 I 125). Et observons qu’une telle précision dans le titre constitutif n’a pas été relevée par les juges dans notre affaire.
Claire BABINET
Pour en savoir plus sur l'extinction des servitudes : voir Mémento Urbanisme Construction nos 23150 s.