Les propriétaires indivis d’une parcelle ainsi que le syndicat des copropriétaires du domaine dont dépend cette parcelle assignent la société civile immobilière propriétaire de la parcelle voisine en rétablissement du passage qui grevait son terrain en invoquant notamment une servitude par destination du père de famille.
La cour d’appel rejette la demande du syndicat des copropriétaires. Elle rappelle le principe selon lequel la destination du père de famille vaut titre à l'égard des servitudes discontinues lorsqu'il existe des signes apparents de la servitude lors de la division d'un fonds et que l'acte de division ne contient aucune stipulation contraire à son maintien. Constatant que l’acte d’échange prévoit expressément l'absence de servitude sur les parcelles issues de la division de l'ancienne parcelle réalisée par la société du domaine qui en était propriétaire, la cour d’appel en déduit que cette stipulation ne constitue pas une simple clause de style et est contraire au maintien d’une servitude de passage par destination du père de famille.
La Haute Juridiction confirme sur ce point l’arrêt d’appel, rappelant encore une fois que les juges du fond ont le pouvoir d’apprécier souverainement si une clause d'un acte de division constitue une stipulation contraire au maintien d'une servitude discontinue par destination du père de famille.
A noter :
La preuve de l’existence d’une servitude par destination du père de famille diffère selon que la servitude est continue ou discontinue. Pour les servitudes continues et apparentes, la destination du père de famille vaut titre (C. civ. art. 692). La réunion de l’apparence et de la continuité vaut présomption de l’existence de la servitude (V. Gélu-Lafargue, Division foncière : gare à la servitude par destination du père de famille ! : BPIM 1/13 inf. 4 no 9). Celui qui invoque la servitude est ainsi dispensé de produire l’acte de division de la propriété et c’est son adversaire qui devra démontrer que cet acte écarte la servitude (P. Malaurie, L. Aynès et M. Julienne : Droit civil. Les biens, LGDJ 9e éd. 2021, no 550). Pour les servitudes apparentes et discontinues, celui qui invoque la destination du père de famille doit produire l’acte de division foncière afin de démontrer qu’il ne contient aucune disposition contraire au maintien de la servitude (C. civ. art. 694 ; Cass. 3e civ. 16-9-2009 no 08-16.238 FS-PB).
La servitude de passage revêt un caractère discontinu (Cass. 3e civ. 24-11-2004 no 03-16.366 FS-PB ; Cass. 3e civ. 16-9-2009 précité ; Cass. 3e civ. 17-6-2021 no 20-10.740 F-D : BPIM 4/21 inf. 303).
La mention dans l’acte de division susceptible d’écarter l’acquisition de la servitude par destination du père de famille doit en principe être suffisamment caractérisée (Cass. 3e civ. 9-6-2016 no 14-28.893 F-D). La clause de style par laquelle le vendeur déclare qu’il n’a constitué aucune servitude sur l’immeuble, ou qu’à sa connaissance il n’en existe pas d’autres que celles qui pourraient résulter de la loi ou dériver de la situation des lieux, est en principe jugée insuffisante (Cass. 3e civ. 21-3-2001 no 14-28.893 F-D ; Cass. 3e civ. 28-4-2009 no 08-15.404 F-D ; voir toutefois, en sens contraire, Cass. 3e civ. 6-9-2018 no 17-21.527 F-D).