Selon l’article L 1152-2 du Code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat, pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés. Un licenciement prononcé sur ce fondement est dès lors nul, conformément à l’article L 1152-3 du Code du travail.
S’appuyant sur ces dispositions, un salarié, engagé en qualité d’ingénieur d’études et licencié 4 ans plus tard, invoque la nullité de son licenciement, estimant qu’il est en lien avec le fait d’avoir dénoncé des faits de harcèlement moral à son égard. Il n’obtient pas gain de cause devant la cour d’appel qui estime qu’il a agi avec mauvaise foi. La Cour de cassation est alors saisie.
La protection du salarié dénonçant des faits de harcèlement moral
De manière constante, la Haute Juridiction juge que le salarié qui relate des faits de harcèlement moral ne peut pas être licencié pour ce motif. Seule la mauvaise foi met fin à cette immunité (Cass. soc. 19-10-2011 n° 10-16.444 FS-PB ; Cass. soc. 10-6-2015 n° 14-13.318 FS-PB).
Cette mauvaise foi ne peut pas résulter de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis (Cass. soc. 10-3-2009 n° 07-44.092 FP-PBR). Il importe en effet que le salarié ait eu connaissance de la fausseté des faits dénoncés (Cass. soc. 7-2-2012 n° 10-18.035 FS-PBR ; Cass. soc. 21-3-2018 n° 16-24.350 F-D).
En tout état de cause, il appartient à l’employeur d’apporter la preuve de cette mauvaise foi.
La mauvaise foi est caractérisée par l’attitude contradictoire du salarié
S’inscrivant dans la lignée de ces décisions, la chambre sociale de la Cour de cassation reprend ces principes dans son arrêt du 16 septembre 2020. En l’espèce, elle approuve la décision de la cour d’appel, qui a déduit de ses constatations la mauvaise foi du salarié, caractérisée par son attitude contradictoire et l’absence de concordance entre ses paroles et ses actes.
En effet, le salarié n’a pas fait preuve de loyauté puisque, d’un côté, il affirmait son ouverture au dialogue et son souhait d’obtenir des explications, et de l’autre, il manigançait pour se soustraire à toute rencontre ou réunion avec son employeur. Les accusations de harcèlement moral formulées procédaient donc, selon les juges du fond, d’une stratégie d’opposition systématique à l’employeur.
A noter : En pratique, la mauvaise foi a déjà été retenue, par exemple, dans une affaire où un salarié avait accusé de harcèlement un supérieur hiérarchique dans une main courante déposée à la gendarmerie et auprès de la direction de l'entreprise, les juges du fond ayant constaté que ces accusations étaient mensongères et avaient pour but notamment de déstabiliser l'entreprise et de nuire au cadre responsable de son service (Cass. soc. 6-6-2012 n° 10-28.345 FS-PB).
De même, la Cour de cassation a approuvé une cour d’appel ayant jugé de mauvaise foi un salarié qui avait utilisé, pour étayer ses accusations de harcèlement, un faux document dont, du fait de ses fonctions, il ne pouvait ignorer le caractère factice (Cass. soc. 7-2-2018 n° 16-19.594 F-D).
La mauvaise foi n’est pas nécessairement invoquée dans la lettre de licenciement
Le principal intérêt de l’arrêt est que la Cour de cassation décide, pour la première fois à notre connaissance, que l'employeur peut reprocher au salarié sa mauvaise foi devant le juge même s'il ne l'a pas expressément invoquée dans la lettre de licenciement.
Le salarié, rappelant la jurisprudence constante de la Cour de cassation, aux termes de laquelle la lettre de licenciement fixe les limites du litige (notamment : Cass. soc. 20-3-1990 n° 89-40.515 PF ; Cass. soc. 4-7-2012 n° 11-17.469 F-D), soutenait en effet que l’employeur aurait dû respecter une exigence de qualification formelle de sa prétendue mauvaise foi.
L’argument est balayé par la Cour de cassation. Le salarié s’est en effet mépris sur la portée du principe selon lequel la lettre de licenciement fixe les limites du litige. La question de sa mauvaise foi était en effet dans le débat, puisque l’employeur reprochait notamment au salarié ses « accusations de harcèlement/dénigrement (…) graves, de surcroît sans fondement ni lien avec la réalité ». Il appartenait au juge de qualifier les faits invoqués. C’est ce qu’a fait la cour d’appel en retenant la mauvaise foi du salarié.
Pour en savoir plus sur la protection des salariés contre le harcèlement moral, voir Mémento social nos 17070 s.
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