Un garagiste dépanne un camion sur une autoroute et sauve sa marchandise puis réclame près de 12 000 € au propriétaire du véhicule, un transporteur. Celui-ci règle 5 800 € et conteste le solde mais, le dépanneur refusant de restituer le camion, il fini par payer quatre mois après.
Une cour d’appel condamne le dépanneur à verser 5 000 € de dommages-intérêts au transporteur, estimant qu’il a commis un abus dans l’exercice de son droit de rétention : il n’a pas informé le transporteur de son intention d’user de son droit de rétention et s’est borné, en réponse à la lettre de contestation de celui-ci, à affirmer que sa facture est fondée ; le prétendu droit de rétention dont il se prévaut s’analyse davantage en un moyen de pression destiné à obtenir le paiement immédiat du solde restant dû, d'autant moins acceptable que le déséquilibre dans la relation ponctuelle d’affaire entre les parties, lié au monopole de fait dont jouissent les dépanneurs, aurait dû l’inciter à privilégier la saisine du tribunal compétent à la rétention du véhicule ; le dépanneur ne peut pas présumer de la mauvaise foi du transporteur ou de sa qualité de mauvais payeur ; ce dernier a effectué un paiement partiel spontané et substantiel de la facture contestée. La cour d'appel en déduit que le comportement du dépanneur révèle une véritable intention de nuire, la rétention du véhicule d'un transporteur étant en soi de nature à lui causer un grave préjudice.
La Cour de cassation censure cette décision, ces motifs n'établissant pas que le droit de rétention était abusif.
à noter : Cette décision fournit l'occasion de rappeler que le droit de rétention est un moyen de pression très efficace pour obtenir paiement d’une créance, surtout lorsque le bien retenu est, comme en l’espèce, indispensable à l’exercice de l’activité professionnelle du débiteur. Ce dernier n’a pas d’autre choix que de payer. S’il conteste sa dette, il aura du mal à obtenir en référé la restitution de son bien, la saisine du juge des référés supposant l’absence de contestation sérieuse ou l’existence d’un péril imminent.
Lorsque le droit de rétention est exercé abusivement, la victime de l’abus peut obtenir, après coup, des dommages-intérêts. Mais l’abus est rarement retenu par les tribunaux. Notamment, il a été jugé que l’exercice de ce droit n’est pas abusif du seul fait qu’il existe une disproportion entre le montant des biens retenus et celui des sommes dues (CA Versailles 10-3-2015 n° 13/05398 : BRDA 10/15 inf. 15).