Se prévalant de sa qualité de propriétaire des marques « Vélib’ », déposée en février 2007 et Autolib’, enregistrée en 2012, désignant un service de mise à disposition de vélos et de petite voitures électriques à Paris et dans certaines communes limitrophes, la Ville de Paris réclame l'annulation de la marque « Scootlib » désignant un service de location payante de scooters proposé dans toute la France pour fraude et contrefaçon.
La cour d’appel de Paris rejette ces demandes.
- L’annulation d’une marque pour fraude suppose la preuve d’intérêts sciemment méconnus par le déposant. Or, la marque « Scootlib » a été déposée le 8 octobre 2007, et il n’est pas établi qu’à cette date le déposant ait su que la Ville de Paris voulait décliner le service Vélib’ aux scooters : l’idée de développer un tel service de mise à disposition temporaire de scooters n’a été publiquement évoquée par la Ville de Paris que le 21 novembre 2007 et aucun article de presse n’en faisait état auparavant. La seule mise en place du service « Vélib' » à compter du 15 juillet 2007 ne suffit pas à prouver que le titulaire de la marque « Scootlib » connaissait ce projet ;
- La demande en nullité d'une marque portant atteinte à un droit antérieur et la demande en contrefaçon sont irrecevables si la marque litigieuse a été déposée de bonne foi et si le titulaire du droit antérieur en a toléré l’usage pendant cinq ans (CPI art. L 714-3 et L 716-5). A cet égard, la coexistence des deux marques en cause, toutes deux effectivement et publiquement exploitées dans un même secteur d’activité, rendait impossible leur ignorance par la Ville de Paris, qui indique elle-même exercer une vigilance particulière sur les marques dont elle est titulaire et se prévaut d’un projet de développement d’un service « Scootlib’ » dès 2007.
A noter : 1 : Le dépôt d'une marque est frauduleux, même si celui qui l'invoque ne dispose pas de droits antérieurs sur le signe litigieux, lorsqu'il est utilisé dans l'intention de priver autrui d'un signe nécessaire à son activité : tel n'est pas le cas, juge la Cour de cassation, si le déposant ne pouvait pas savoir au moment du dépôt que le signe serait déposé plus tard comme marque pour désigner un produit identique au sien (Cass. com. 25-4-2011 n° 10-26.201 : RJDA 2/12 n° 216).
En l'espèce, la cour d'appel refuse de déduire de l'existence du service « Vélib' » la mauvaise foi du déposant de la marque « Scootlib ». La solution peut paraître sévère mais, à la date du dépôt litigieux, le service « Vélib' » n'existait à Paris que depuis quelques mois. En toute hypothèse, il s'agit là d'éléments essentiellement factuels relevant du pouvoir souverain des juges du fond.
2 : Le titulaire d'une marque ne peut pas agir en annulation ou en contrefaçon contre le titulaire d'une marque postérieure si le dépôt de celle-ci a été fait de bonne foi et si lui même en a toléré l'usage pendant au moins cinq ans (CPI art. L 714-3 pour la nullité et art. L 716-5 pour la contrefaçon). En prononçant la forclusion des demandes de la Ville de Paris, la cour d'appel coupe court au débat qui aurait pu avoir lieu sur la question du risque de confusion entre la marque Vélib' et la marque Scootlib. Rappelons que la bonne foi est toujours présumée, de sorte qu'il appartenait ici à la Ville de Paris de prouver la mauvaise foi du déposant, laquelle nécessite une atteinte sciemment portée au droit antérieur du demandeur (Cass. com. 29-9-2009 n° 07-20.440 D). On peut donc imaginer que la bonne foi sera toujours retenue lorsque le dépôt frauduleux sera écarté.
Maya VANDEVELDE