Par 348 voix pour, 274 contre et 36 abstentions, le Parlement européen réuni en session plénière a adopté le 26 mars la directive européenne sur le droit d’auteur dans le marché unique numérique. Les eurodéputés ont ainsi mis fin au débat qui opposait les défenseurs des libertés numériques aux défenseurs d’une meilleure rémunération des ayants-droit.
Désormais, les plateformes sont responsables des contenus téléchargés sur leur site et ont l’obligation de conclure des accords de rémunération avec les titulaires de droits (musiciens, auteurs, éditeurs de presse, etc.) pour l’utilisation de leurs œuvres figurant sur ces plateformes (anc. art. 13 ; nouvel art. 17). Sur demande d’un titulaire de droits, elles seront tenues de supprimer les contenus portant atteinte au droit d’auteur. La directive précise que certains sites seront exemptés. Il en sera ainsi en cas de téléchargement d’œuvres dans des encyclopédies en ligne dans un but non commercial (Wikipédia, par exemple). De même, un régime d’obligations plus souple est prévu pour les plateformes qui ont moins de trois ans d’existence, réalisent un chiffre d’affaires annuel inférieur à 10 millions d’euros et dont le nombre mensuel moyen de visiteurs uniques n’excède pas 5 millions.
Ensuite, la directive crée un droit voisin du droit d’auteur pour les éditeurs de presse (anc. art. 11, nouvel art. 15). Les agrégateurs d’informations devront verser une rémunération aux médias en cas de réutilisation de leurs contenus. Selon le rapporteur Axel Voos, « ce texte contient de nombreuses dispositions qui garantiront qu’internet reste un espace de libre expression ». Le partage d'extraits d'articles d'actualité est expressément exclu du champ de la directive mais à la condition que leur utilisation se limite à des « mots isolés » ou à de « très courts extraits ». Quant au partage d’hyperliens, il demeure libre.
Le texte ouvre la voie à une rémunération proportionnelle des auteurs et interprètes. Ils pourront renégocier leurs droits et exiger du distributeur une rémunération supplémentaire lorsque celle initialement convenue est disproportionnée par rapport aux bénéfices qui en résultent pour ce dernier.
Concernant la « fouille de texte et de données » (Text et Data Mining - TDM), la directive l’exclut de son champ d’application. Elle supprime ainsi un « désavantage compétitif » vécus par les chercheurs européens. Les restrictions en matière de droit d’auteur ne s’appliqueront pas aux contenus utilisés à des fins d’enseignement ou d’illustration.
Enfin, la directive autorise l’utilisation gratuite de matériel protégé par le droit d’auteur pour préserver le patrimoine. Les œuvres hors commerce peuvent être utilisées lorsqu’il n’existe pas d’organisme de gestion collective pouvant délivrer une licence.
Reste au Conseil de l’Union européenne à approuver le texte dans les prochains jours. Une fois entériné, il entrera en vigueur après sa publication au Journal officiel et les Etats membres auront deux ans pour le mettre en œuvre. La France, dont les eurodéputés ont voté favorablement pour la directive, devrait rapidement s’y atteler afin de mettre à jour la législation nationale sur le droit d’auteur.
Audrey TABUTEAU