Les droits d’un entrepreneur individuel sur l’immeuble où est située sa résidence principale sont insaisissables par ses créanciers professionnels (C. com. art. L 526-1).
Dans le cadre d’une procédure de divorce, l’épouse d’un entrepreneur individuel obtient la jouissance exclusive du logement familial dont ils sont propriétaires. Après la mise en liquidation judiciaire de l’entrepreneur, le liquidateur demande au juge-commissaire de l’autoriser à vendre l’immeuble aux enchères publiques.
La cour d’appel de Lyon déclare cette demande irrecevable, estimant que la décision judiciaire attribuant à l’épouse la jouissance exclusive de la résidence familiale est sans effet sur les droits de l’entrepreneur sur l’immeuble et sur son insaisissabilité légale.
La Cour de cassation censure cette décision. En effet, lorsque, au cours de la procédure de divorce de deux époux dont l'un exerce une activité indépendante, le juge aux affaires familiales a ordonné leur résidence séparée et attribué au conjoint de l'entrepreneur la jouissance du logement familial, la résidence principale de l'entrepreneur, à l'égard duquel a été ouverte postérieurement une procédure collective, n'est plus située dans l'immeuble appartenant aux époux dans lequel se trouvait le logement du ménage. Les droits qu'il détient sur ce bien ne sont donc plus de droit insaisissables par les créanciers dont les droits naissent à l'occasion de son activité professionnelle.
A noter :
Précision inédite.
Après avoir précisé l’application dans le temps de l’insaisissabilité de plein droit de la résidence principale de l’entrepreneur et ses incidences dans le cadre de la procédure collective de ce dernier (Cass. com. 13-4-2022 n° 20-23.165 F-B : BRDA 11/22 inf. 13), la Cour de cassation met en évidence les conséquences de l'engagement d'une procédure de divorce par l’entrepreneur.
Dans le cadre d’un divorce contentieux, le juge peut dès le début de la procédure prendre des mesures provisoires. Notamment, il peut statuer sur les modalités de la résidence séparée des époux et attribuer à l'un d'eux la jouissance du logement du ménage ou partager entre eux cette jouissance, en précisant son caractère gratuit ou non et, le cas échéant, en constatant l'accord des époux sur le montant d'une indemnité d'occupation (C. civ. art. 255, 3° et 4°). Lorsque, en application de ces dispositions, la jouissance exclusive du logement, dont les époux sont propriétaires, est attribuée au conjoint de l’entrepreneur, ce logement n’est plus la résidence principale de l’entrepreneur, qui perd ainsi le bénéfice de l’insaisissabilité légale.
Dans l’arrêt ci-dessus, la Cour de cassation prend soin de relever que cette perte était antérieure à l’ouverture de la procédure collective de l’entrepreneur. Le logement, qui ne bénéficiait plus de l’insaisissabilité légale, a donc été appréhendé par cette procédure.
Reste entière la question de savoir si tel aurait été aussi le cas si l’attribution de la jouissance exclusive au conjoint de l’entrepreneur avait été ordonnée après l’ouverture de la procédure collective.