La société Lalique est titulaire d'un modèle déposé de verre à vin, caractérisé par une tige (ou jambe) combinant une figure haute polie transparente, une figure basse polie transparente d'une hauteur double et d'un diamètre supérieur à ceux de la figure haute et une figure centrale satinée comportant un renflement dans sa partie supérieure ; les figures haute et basse forment ainsi deux points lumineux transparents contrastant avec la figure centrale satinée. Reprochant à la société Habitat d'avoir créé et commercialisé des verres à pied méconnaissant ses droits sur ce modèle, elle la poursuit en contrefaçon.
Une cour d'appel lui donne raison, estimant que la forme du gobelet était usuelle pour des verres à vin et que les tiges respectives donnaient une impression visuelle globale d'identité, les éléments identiques des deux tiges (partie basse plus longue et transparente, parties hautes transparentes, renflement opaque) étant dominants pour l'utilisateur averti compte tenu de ce que la liberté du créateur pour une tige de verre à vin est restreinte, les quelques différences relevées apparaissant à l'utilisateur averti comme des variantes insignifiantes d'exécution technique procurant la même impression d'ensemble.
La Cour de cassation censure la décision : le modèle déposé portait sur un verre à vin, de sorte que c'était l'impression visuelle d'ensemble produite par les verres à vin argués de contrefaçon - et non pas l'impression produite par les tiges - dont il fallait vérifier le caractère identique ou différent par rapport à l'impression produite par le verre à vin commercialisé par Lalique.
A noter :
Sont interdits, à défaut du consentement du titulaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, le transbordement, l'utilisation, ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle (CPI art. L 513-4 ; pour les dessins et modèles communautaires : Règl. CE 6/2002 du 12-12-2001 art. 19). La protection conférée par l'enregistrement d'un modèle s'étend à tout modèle qui produit sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble similaire (CPI art. L 513-5 ; Règl. CE 6/2002 art. 10).
La Cour de cassation insiste ici sur le terme « d'ensemble ». Il ne suffit pas de constater qu'un élément du modèle argué de contrefaçon produit la même impression visuelle. L'appréciation de l'impression visuelle d'ensemble similaire doit porter sur l'intégralité du modèle déposé pour permettre de constater un acte de contrefaçon.
Rappelons que l'existence d'un risque de confusion n'est en revanche pas une condition de la contrefaçon (Cass. com. 26-3-2008 n° 06-22.013 FS-PB : RJDA 6/08 n° 730).