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Le non-respect d'un contrat de licence de logiciel peut être sanctionné par la contrefaçon

Le créateur d'un logiciel peut agir en contrefaçon contre son cocontractant, bénéficiaire d'une licence d'exploitation de ce logiciel, même si l'atteinte à ses droits d'auteur résulte du non-respect de cette licence ouvrant droit à une action en responsabilité contractuelle.

Cass. 1e civ. 5-10-2022 n° 21-15.386 FS-B


Par Maya VANDEVELDE
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©Gettyimages

Une société développe un logiciel destiné à l'authentification des internautes, qu'elle diffuse notamment sous licence libre. La société Orange utilise ce logiciel pour la réalisation du portail « Mon service public ». Estimant que cette utilisation de son logiciel n'est pas conforme aux clauses de la licence libre, la société auteur du logiciel fait procéder à une saisie-contrefaçon au siège d'Orange et agit contre elle en contrefaçon

Une cour d'appel déclare cette action irrecevable : selon elle, lorsque l'atteinte à un droit d'auteur résulte d'un manquement contractuel, seule une action en responsabilité contractuelle peut être engagée par le créateur du logiciel. 

La Cour de cassation censure la décision aux motifs suivants. 

Les États membres de l'Union européenne doivent protéger les programmes d'ordinateur par le droit d'auteur (Dir. 2009/24/CE du 23-4-2009 art. 1). La violation d'une clause d'un contrat de licence d'un programme d'ordinateur portant sur des droits d'auteur du créateur de ce programme relève de la notion d'« atteinte aux droits de propriété intellectuelle » au sens de la directive 2004/48/CE du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle. Le titulaire de ces droits d'auteur doit donc pouvoir bénéficier, indépendamment du régime de responsabilité applicable selon le droit national, des garanties prévues par le droit européen (CJUE 18-12-2019 aff. 666/18), lequel impose notamment : 

  • qu'en cas d'atteinte à un droit de propriété intellectuelle, les Etats membres doivent veiller à ce que le juge puisse ordonner des mesures provisoires rapides et efficaces (notamment la saisie des marchandises) pour conserver les éléments de preuve pertinents (Dir. 2004/48/CE art. 7) ;

  • qu'ils veillent à ce que le juge fixe les dommages et intérêts en prenant en compte tous les aspects des conséquences économiques négatives, notamment le manque à gagner subi par la partie lésée et les bénéfices injustement réalisés par le contrevenant ou, à titre d'alternative, puisse retenir un montant forfaitaire de dommages-intérêts calculé sur la base d'éléments tels que le montant des redevances qui auraient été dues si le contrevenant avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit de propriété intellectuelle en question (Dir. 2004/48/CE art. 13).

Or, si, en cas d'inexécution de ses obligations nées du contrat, le débiteur peut être condamné à des dommages-intérêts sur le fondement de la responsabilité contractuelle, ceux-ci ne peuvent pas, en principe, excéder ce qui était prévisible ou ce que les parties ont prévu conventionnellement (C. civ. art. 1231-3 ; ex-art. 1147). Par ailleurs, les mesures d'instruction de droit commun prévues par l'article 145 du Code de procédure civile ne permettent pas la saisie réelle des marchandises arguées de contrefaçon ni celle des matériels et instruments utilisés pour les produire ou les distribuer. 

Par suite, en cas d'atteinte portée à ses droits d'auteur, le titulaire, ne bénéficiant pas des garanties prévues par le droit européen s'il agit sur le fondement de la responsabilité contractuelle, est recevable à agir en contrefaçon.

A noter :

Constitue un délit de contrefaçon la violation de l'un des droits de l'auteur d'un logiciel (CPI art. L 335-3). Sur quel fondement le titulaire du droit d'auteur doit-il agir pour faire sanctionner une atteinte à ce droit lorsque cette atteinte est commise par son cocontractant  (ici le bénéficiaire d’une licence de logiciel) ?  Est-il recevable à agir en contrefaçon ? Doit-il nécessairement (et exclusivement) agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle, en application du principe de non-cumul des responsabilités contractuelle et délictuelle ?

Non, répond très clairement ici la Cour de cassation, qui juge recevable l'action en contrefaçon, mettant ainsi un terme à un débat qui divisait les juges du fond et la doctrine (voir notamment O. Wang : Dalloz actu du 12-4-2021 ;  A. Gendreau :  AJ contrat 2018 p. 539). 

L'enjeu était important, dans la mesure où le régime des deux actions (contractuelle et en contrefaçon) est très différent et où l'application de la responsabilité contractuelle n'aurait pas permis d'assurer au titulaire du droit d'auteur une protection aussi efficace que l'action en contrefaçon, qui lui ouvre le droit d'employer des moyens d'action spécifiques (par exemple, une saisie-contrefaçon) devant des juridictions spécialisées et de bénéficier d'un régime de réparation plus favorable. C'est précisément en considération de ces garanties, exigées par la jurisprudence européenne indépendamment de la question du fondement de l'action (CJUE 18-12-2019 aff. 666/18), que la Haute Juridiction justifie la solution commentée.

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© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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