Par un arrêt rendu en chambre mixte le 8 juillet 2015, la Cour de cassation a tranché la divergence jurisprudentielle existant entre ses première et troisième chambres concernant l'étendue de la réparation de l'acquéreur en cas d'erreur de diagnostic immobilier.
La problématique : déterminer la nature du préjudice indemnisable pour l'acquéreur en lien avec la faute du diagnostiqueur et savoir s'il correspond à la réparation de tous les préjudices subis (position de la troisième chambre civile) ou à une simple perte de chance d'acquérir à des conditions plus avantageuses, voire de renoncer à l'acquisition (position de la première chambre civile fortement relayée par les juridictions d'appel). La Chambre mixte a opté pour la première branche de l'alternative déduisant de la simple existence d'un diagnostic non réalisé conformément aux règles de l'art le caractère certain des préjudices matériels et de jouissance subis par les acquéreurs.
Ainsi que nombre de commentateurs l'avaient alors relevé, la Cour de cassation, se raccrochant au principe de certitude du préjudice, caractère qui doit effectivement être revêtu par celui-ci pour donner lieu à réparation, a éludé la question, pourtant posée, de l'exigence du lien de causalité entre la faute et le dommage.
A ainsi été clairement mis en exergue la volonté de protection de l'acquéreur, quitte à forcer quelque peu les principes et concepts de la responsabilité.
Depuis lors, la troisième chambre a eu l'occasion de faire application à plusieurs reprises de cette solution (voir notamment Cass. 3e civ. 19 mai 2016 n°15-12408). Un arrêt récent (voir La Quotidienne du 26 janvier 2017) la confirme en tous points. Cependant, elle révèle également la grande sévérité à laquelle l'application de celle-ci peut aboutir et qui semble s'éloigner de la finalité première et louable de protection et d'indemnisation de l'acquéreur démuni.
Les faits étaient les suivants : une personne acquiert un immeuble à usage commercial et d'habitation (en l'espèce, un ancien hôtel) aux fins de rénovation. Celui-ci se trouvant dans une zone infestée de termites, les vendeurs sont tenus de produire un état parasitaire. Le diagnostiqueur mentionne la présence de traces d'infestation dans plusieurs pièces du bâtiment, sans présence d'insectes, et conclut dans son rapport qu'au vu des dégradations constatées, il était impossible d'exclure un risque de réinfestation. Cependant, lors des opérations de rénovation, la présence de termites est mise en évidence et la faute du diagnostiqueur, qui n'avait pas décelé celle-ci, est établie.
La cour d'appel retient la responsabilité du diagnostiqueur tout en limitant l'indemnisation du préjudice de l'acquéreur au coût du traitement anti-termites au motif qu'il n'est pas prouvé, compte tenu de l'état parasitaire assez alarmant établi par celui-ci, dans un région déclarée contaminée par arrêté préfectoral, que Mme X… aurait renoncé à son achat ou en aurait demandé un moindre prix si elle avait été informée de la présence effective des insectes, alors qu'elle a décidé d'acheter le bien en dépit des informations dont elle disposait sur les traces d'infestation généralisée et les risques de nouvelles infestations signalés au rapport.
L'acquéreur se pourvoit en cassation aux fins de réclamer en outre des frais de remise en état ainsi que des préjudices de jouissance et d'exploitation. L'arrêt d'appel est censuré : les préjudices liés à la présence de termites non mentionnée dans l'attestation destinée à informer l'acquéreur revêtent un caractère certain.
Exit à nouveau toute notion de perte de chance et toute discussion sur le lien de causalité au profit de l'émergence d'une véritable garantie contre le risque au profit de l'acquéreur. Tel était d'ailleurs la motivation de l'arrêt de la chambre mixte précité qui posait comme principe que le « dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou à l'acte authentique de vente d'un immeuble garantit l'acquéreur contre le risque ».
Selon le Professeur Jourdain, « l'information d'une absence de risque se meut ainsi en une garantie d'absence de risque » (RTD civ. 2016, 130, obs. P. Jourdain).
Et pourtant… les faits de l'espèce invitaient fortement à se pencher sur cette question de garantie contre le risque érigé au rang de principe et, en filigrane, du lien de causalité quelque peu occulté. En effet, au cas particulier, l'état parasitaire litigieux, s'il n'avait pas décelé la présence actuelle de termites, avait mis en évidence les traces d'infestation et le risque accru de réinfestaiton. Les conclusions du diagnostic étaient ainsi particulièrement alarmantes et il est manifeste que, dans une région de surcroît reconnue comme contaminée, l'acquéreur acceptait indiscutablement un risque d'infestation et procédait donc à l'acquisition du bien en toute connaissance de cause. Ainsi, et même dans le cadre d'une consécration de la théorie de l'exposition à un risque tel que dégagée par certains, ne pouvait-on estimer que l'acquéreur avait délibérément accepté le risque dès lors qu'il entendait acquérir en dépit du diagnostic alarmant d'une probable réinfestation ? Les conclusions de l'état parasitaire ne pouvaient-elles donc permettre de nuancer quelque peu la responsabilité du diagnostiqueur ou, à tout le moins, limiter dans une certaine mesure l'indemnisation de l'acquéreur ayant délibérément accepté une partie du risque ? La situation factuelle de cette espèce démontre en tout état de cause que l'application stricte du principe dégagé par la jurisprudence, selon lequel toute faute dans la réalisation du diagnostic conduit nécessairement à une indemnisation intégrale de l'acquéreur sans appréciation in concreto des faits, aboutit dans certains cas à des solutions qui n'apparaissent fondées ni en équité ni en droit et qui laissent quelque peu dubitatif.
Par Marie Letourmy, avocat spécialiste en droit immobilier au sein du cabinet Cornet Vincent Ségurel