1. La loi 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle ne réforme pas le droit des procédures de prévention des difficultés des entreprises. Mais elle modifie ponctuellement son régime afin d’en renforcer la cohérence et l’efficacité.
Entrée en vigueur : sauf précision contraire, la plupart des nouvelles dispositions sont applicables aux procédures ouvertes à compter du 20 novembre 2016 et non aux procédures en cours (cf. Loi 2016-1547 art. 114, XVI ; C. civ. art. 1).
Intervention plus précoce du juge en cas d’alerte par le commissaire aux comptes
2. Le commissaire aux comptes d'une société commerciale peut déclencher une procédure d’alerte lorsque, à l'occasion de sa mission, il relève des faits de nature à compromettre la continuité de l'exploitation (C. com. art. L 234-1 et L 234-2). Une information du président du tribunal de commerce par le commissaire aux comptes est prévue au fur et à mesure des différentes étapes de l’alerte si le dirigeant, le conseil d’administration ou de surveillance ou encore l’assemblée générale ne prennent pas les mesures requises.
La loi Justice du XXIe siècle renforce le dispositif. Les modifications ci-dessous sont applicables depuis le 20 novembre 2016, y compris pour les procédures d’alerte déjà engagées.
3. Désormais, lorsque le dirigeant, informé des difficultés par le commissaire aux comptes, ne répond pas à celui-ci ou ne lui donne pas une réponse satisfaisante ou encore lorsque les décisions prises à l’issue de l’assemblée générale ne permettent pas d’assurer la continuité de l’exploitation, le commissaire aux comptes peut demander à être entendu par le président du tribunal (art. L 234-1, al. 2 et 4 et art. L 234-2, al. 1 et 3 modifiés).
Le magistrat dispose alors d’un droit de communication : il peut obtenir du commissaire aux comptes, des membres et représentants du personnel, des administrations publiques, des organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que des services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière de la société (art. précités et, sur renvoi, art. L 611-2, I-al. 2). Il est ainsi « nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire » (art. L 611-2, I-al. 2), de sorte que les personnes ou organismes énumérés ci-dessus ne peuvent pas opposer le secret professionnel à l'enquête du président.
Ce droit de communication n’est pas subordonné à la convocation préalable des dirigeants sociaux par le président du tribunal puisque cette convocation est prévue par l’article L 611-2, I-al. 1 qui n’est pas ici visé.
Il devrait permettre au président du tribunal de détecter plus précocement et de traiter plus efficacement les difficultés auxquelles est confrontée la société (Rapport AN n° 3726 art. 50).
4. Le dispositif n’est pas étendu aux sociétés civiles, pour lesquelles l’alerte par le commissaire aux comptes est régie par l’article L 612-3 qui n’a pas été modifié. Pour ces sociétés, le président du tribunal de grande instance ne peut s’informer plus avant sur la situation de l’entreprise qu’après avoir convoqué les dirigeants (C. com. art. L 611-2-1 et, sur renvoi, art. L 611-2, I).
Pas d’information du comité d’entreprise en cas de mandat ad hoc ou de conciliation
5. Même si le Code de commerce n’obligeait pas le chef d’entreprise à informer le comité d’entreprise (ou les délégués du personnel) de la désignation d’un mandataire ad hoc ou de l’ouverture d’une procédure de conciliation, les praticiens s’interrogeaient sur le risque pour le chef d’entreprise qui ne le faisait pas d’être poursuivi pour délit d’entrave.
La loi nouvelle clarifie la situation : elle exclut expressément cette information dans un cas comme dans l’autre (C. com. art. L 611-3, al. 3 et L 611-6, al. 3 modifiés). Selon les travaux parlementaires, cette exclusion se justifie par la nécessité de conserver le caractère confidentiel du mandat ad hoc et de la conciliation (Rapport AN n° 3726 art. 50).
L’exclusion n’est prévue que pour la désignation du mandataire et l’ouverture de la conciliation. Elle ne saurait être étendue à toutes les mesures que le chef d’entreprise peut être appelé à prendre dans le cadre de ces procédures. En outre, en cas de conciliation, si le chef d’entreprise entend demander l’homologation de l’accord signé avec ses créanciers, il doit préalablement en communiquer le contenu au comité d’entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel ; le tribunal statue sur l’homologation après avoir entendu ou dûment convoqué ceux-ci (art. L 611-8-1 et L 611-9).
Incitation des entreprises à recourir à la conciliation
6. Lorsque le débiteur, qui a présenté une demande de sauvegarde, rencontre des difficultés qu’il peut surmonter, le tribunal saisi doit désormais l’inviter à demander l’ouverture d’une conciliation au président du tribunal (C. com. art. L 621-1, al. 3 nouveau). Le tribunal statue ensuite sur la seule demande de sauvegarde (art. précité).
La sauvegarde est réservée aux débiteurs qui, sans être en cessation des paiements, ne peuvent surmonter leurs difficultés (art. L 620-1, al. 1). Si ces conditions ne sont pas remplies, le tribunal ne peut que rejeter la demande (art. R 621-5). Cette modification vise à favoriser le recours à la conciliation tant que le débiteur n’est pas en cessation de paiement.
Renforcement de l’efficacité du privilège de conciliation
7. Les créanciers qui, dans le cadre d'une conciliation ayant abouti à un accord homologué, ont accordé au débiteur un nouvel apport en trésorerie ou la fourniture d'un nouveau bien ou service en vue d'assurer la poursuite et la pérennité de l'activité sociale bénéficient d’un privilège de paiement si le débiteur fait ensuite l’objet d’une procédure collective : ils sont alors payés, à hauteur du montant de l'apport ou du prix du bien ou du service, avant toutes les autres créances à l'exception de certaines créances salariales et des frais de justice afférents à cette procédure (C. com. art. L 611-11, al. 1).
Pour éviter que ces créanciers ne se fassent néanmoins imposer des délais de paiement ou une réduction de leur créance dans le cadre des comités de créanciers auxquels ils participent et dans lesquels les décisions sont prises à la majorité des deux tiers des créances, il est désormais précisé que, dans le cadre de ces comités, les créances garanties par le privilège de conciliation ne peuvent pas faire l'objet de remises ou de délais sans l’accord du créancier concerné (art. L 626-30-2, al. 2 modifié).
Cette modification met fin à une différence de traitement entre les créanciers bénéficiaires du privilège de conciliation. En effet, lorsqu’ils ne participent pas aux comités de créanciers ou lorsque ceux-ci ne sont pas constitués, chaque créancier peut alors refuser les propositions de délais ou de remises présentées par le mandataire judiciaire (art. L 626-5) et le tribunal ne peut pas imposer des délais de paiement uniformes aux créanciers réfractaires qui sont titulaires du privilège de conciliation (art. L 626-20, I-3°).
8. Le privilège de conciliation a été étendu par l’ordonnance 2014-326 du 12 mars 2014 à la procédure de règlement amiable applicable aux exploitants agricoles mais seulement pour les apports en trésorerie consentis dans l'accord homologué ou dans le cadre des négociations pour parvenir à cet accord. Ce privilège bénéfice désormais aussi aux personnes qui, dans les mêmes conditions, fournissent un nouveau bien ou service à l’exploitant (C. rur. art. L 351-6, al. 2 modifié).
En cas d’ouverture d’une sauvegarde, d’un redressement ou d’une liquidation judiciaire, ce privilège est soumis aux mêmes règles que celles exposées ci-dessus, l’article L 351-8 du Code rural renvoyant au droit commun des procédures collectives.