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Accueil/ Actualités - La Quotidienne/ Affaires/ Droit de propriété

Le droit de propriété prime sur le droit au respect du domicile

Le véritable propriétaire d’un terrain sur lequel a été construite une maison est en droit d’exiger la démolition et l'expulsion de ses occupants même si ceux-ci sont âgés et y vivent depuis plus de vingt ans.

Cass. 3e civ. 17-5-2018 n° 16-15.792 FP-PBRI


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Des époux revendiquent auprès d'un particulier la propriété d'un terrain qu'ils occupent et sur lequel ils ont construit une maison, se prévalant de la prescription trentenaire (C. civ. art. 2272). Le particulier leur oppose un titre de propriété sur le même terrain et demande la libération des lieux et la démolition de la maison.

Les époux contestent en invoquant le droit au respect du domicile, protégé par la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme (Conv. EDH) ; ils considèrent que l'atteinte qui serait portée à leur droit serait disproportionnée, compte tenu de l’ancienneté de leur occupation (la maison était construite depuis plus de vingt ans) et de leur vulnérabilité (un époux est décédé pendant l’instance d’appel et le conjoint survivant a 87 ans).

La Cour de cassation fait néanmoins droit à la demande de libération des lieux et de démolition en se fondant sur le raisonnement suivant :

- les mesures d’expulsion et de démolition d’un bien construit illégalement sur le terrain d’autrui caractérisent une ingérence dans le droit au respect du domicile de l’occupant, droit protégé par l’article 8 de la conv. EDH ;

- une telle ingérence est fondée sur l’article 544 du Code civil, selon lequel la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements, et sur l’article 545 du même Code, selon lequel nul ne peut être contraint de céder sa propriété ;

- cette ingérence vise à garantir au propriétaire du terrain le droit au respect de ses biens, protégé par l’article 17 de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen de 1789 et par l’article 1er du Protocole additionnel n° 1 à la conv. EDH ;

- l’expulsion et la démolition étant les seules mesures de nature à permettre au propriétaire de recouvrer la plénitude de son droit sur le bien, l’ingérence qui en résulte ne saurait être disproportionnée eu égard à la gravité de l’atteinte portée au droit de propriété.

Par suite, dès lors qu’il résultait d’un acte notarié de partage que le particulier était bien propriétaire de la parcelle et que les époux n'apportaient pas la preuve d’une prescription trentenaire, la libération des lieux et la démolition de l'ouvrage étaient justifiées.

A noter : solution inédite. Le droit au domicile, composante du droit au respect de la vie privée, ne peut subir une ingérence d'une autorité publique que si  « cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » (Conv. EDH art. 8, 2°). Lorsqu’une telle ingérence existe, le juge doit vérifier qu’elle est proportionnée au « but légitime poursuivi » (CEDH 25-2-1993 n° 11471/85 ; CEDH 25-2-2003 n° 51772/99).

Sophie CLAUDE-FENDT

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial n° 30055

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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