Une promesse de vente d’immeuble est conclue entre deux couples par l’intermédiaire d’une agence immobilière. Celle-ci notifie la promesse aux acquéreurs le jour-même au moyen de deux courriers recommandés séparés en vue de purger leur droit de rétractation de l’article L 271-1 du CCH. Monsieur réceptionne les deux courriers et signe les deux accusés de réception.
Quelques mois plus tard, les acquéreurs ne se présentent pas à la signature de l’acte authentique de vente et arguent de l’exercice de leur droit de rétractation. Les vendeurs les assignent, ainsi que l’agence immobilière, en paiement de la clause pénale stipulée à la promesse et en indemnisation de leur préjudice. Ces deux demandes sont rejetées par la cour d’appel.
Sur le pourvoi des vendeurs, la Cour de cassation confirme que, le mari n’ayant pas signé en qualité de mandataire de son épouse, il n’était pas certain que la promesse ait été notifiée à celle-ci. Sa rétractation tardive était donc efficace. En revanche, la Cour accueille le second moyen, au visa de l’article L 271-1 du CCH et de l’ancien article 1147 du Code civil, en reprochant à la cour d’appel d’avoir considéré que la mission de l’agent immobilier s’arrêtait à la notification de l’avant-contrat, alors qu’il lui incombait de vérifier la sincérité, au moins apparente, de la signature figurant sur l’avis de réception de la lettre recommandée.
A noter : Sur la question de l’efficacité de la notification, la solution ne surprend pas. Par deux arrêts rendus en 2010 et confirmés depuis, la Cour de cassation avait indiqué que, lorsque la notification du droit de rétractation à deux époux acquéreurs est effectuée par une lettre recommandée unique libellée au nom des deux, elle ne peut produire effet à l’égard des deux que si l’avis de réception a été signé par chacun des époux ou si l’époux signataire était muni d’un pouvoir à l’effet de représenter son conjoint (Cass. 3e civ. 9-6-2010 n° 09-15.361 et n° 09-14.503 ; Cass. 3e civ. 11-2-2014 n° 12-35.059 : BPIM 3/15 inf. 152). Cette solution est transposée ici au cas où la purge est effectuée par deux courriers séparés : l’époux qui réceptionne le courrier adressé à son conjoint doit, là aussi, être muni d’un pouvoir à cet effet. A l’époque, nous avions conseillé de stipuler ce pouvoir au sein même de l’avant-contrat, pour pallier l’impossibilité de prouver l’existence du mandat éventuellement détenu par la Poste. Cette précaution reste d’actualité.
Sur la responsabilité de l’agence immobilière ayant réalisé la purge, l’arrêt est plus novateur. D’autres arrêts avaient eu à statuer sur cette question, mais la responsabilité du professionnel avait à chaque fois été rejetée (Cass. 3e civ. 10-3-2016 n° 15-12.735 : BPIM 3/16 inf. 189, dont la solution était exactement inverse à celle du présent arrêt pour des faits pourtant tout à fait similaires) ou écartée par suite de l’échec de l’argumentation sur un autre point (Cass. 3e civ. 10-12-2015 n° 14-24.696 : BPIM 1/16 info. 41 ; Cass. 1e civ. 14-2-2018 n° 17-10.514). Le présent arrêt, destiné à une large publication à la différence des arrêts précités, est à notre connaissance le premier à admettre le principe de cette responsabilité en définissant clairement l’étendue de la mission de l’intermédiaire en matière de purge, qu’il qualifie par son visa d’obligation de résultat. La solution paraît bonne car l’agent immobilier ne saurait soutenir que l’affaire est effectivement conclue au sens de la loi Hoguet tant que plane le droit de se rétracter.
Muriel SUQUET-COZIC, diplômée notaire, chargée d’enseignement notarial
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Vente immobilière n° 45326