Les droits d’utilisation et de commercialisation des versions exécutables de trois programmes informatiques (paie, comptabilité et gestion) qu’une société a acquis moyennant le paiement du prix convenu ainsi que le versement d’une redevance annuelle sont destinés à être utilisés pour les besoins de son exploitation et à lui permettre d’accomplir son objet social, à savoir la distribution de logiciels et la réalisation de prestations de services informatiques.
Dès lors qu’aucune stipulation du contrat de concession n’interdit ni ne limite la cession des droits concédés pour lesquels la société acquitte une redevance annuelle, ceux-ci doivent être regardés comme cessibles. Peu importe que le contrat ne porte pas sur les droits liés à la version source des programmes informatiques qui restent la propriété exclusive du concédant.
Les droits litigieux étant concédés sans limitation de durée ni de secteur géographique par un contrat dépourvu de clauses de résiliation, ils constituent ainsi une source régulière de profits, dotés d’une pérennité suffisante et, par conséquent, un élément incorporel de l’actif immobilisé. La redevance versée ne peut donc revêtir le caractère d’une charge d’exploitation.
A noter : l’arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux fait suite à une décision de renvoi du Conseil d’Etat selon laquelle le régime applicable à la concession de droits d’exploitation de logiciels, qui sont protégés par le Code de la propriété intellectuelle, doit suivre celui défini pour la concession de droits de la propriété industrielle (brevets ou marques) par la jurisprudence Sife (CE 21-8-1996 no 154488). Faisant application des principes dégagés par cette jurisprudence, il a jugé que les droits tirés de la concession de droits de la propriété intellectuelle ne peuvent être qualifiés d’éléments incorporels de l’actif immobilisé que s’ils constituent une source régulière de profits, dotée d’une pérennité suffisante et sont susceptibles de faire l’objet d’une cession. La Haute juridiction a annulé pour erreur de droit la première décision de la cour de Bordeaux qui avait refusé la déduction des redevances annuelles sans avoir recherché si les droits concédés pouvaient être cédés (CE 19-7-2016 no 368473 : La Quotidienne du 26 septembre 2016).
Par la présente décision, la cour de Bordeaux procède à l’examen des clauses du contrat de concession afin de déterminer si le critère de cessibilité est rempli. Relevant qu’aucune stipulation du contrat ne restreint ni ne s’oppose à la cession des droits d’exploitation de logiciels concédés à l’entreprise, elle juge que ces droits sont cessibles. Notons à cet égard que cet arrêt va dans le sens de certaines décisions qui laissent penser que la condition de cessibilité des droits peut être regardée comme satisfaite lorsque le contrat ne prévoit pas d’interdiction expresse de cession. Le silence du contrat pourrait donc être considéré comme valant autorisation de cession (CE 14-10-2005 no 262219).
Comme par ailleurs les droits concédés constituent aussi une source régulière de profits et sont dotés d’une pérennité suffisante (concession accordée sans limitation de durée ni de secteur géographique), ils remplissent les conditions d’immobilisation prévues pour les éléments d’actif incorporels.
Martine TROYES