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La durée des CDD même discontinus s’impute sur la période d’essai prévue au CDI conclu ultérieurement

Lorsque, à l’issue d’un ou de plusieurs CDD, la relation de travail se poursuit par un CDI sur un même emploi, la durée de ces contrats s’impute sur la période d’essai éventuellement prévue au CDI, peu important que les CDD aient été espacés de courtes périodes.

Cass. soc.19-6-2024 n° 23-10.783 FS-B, S. c/ Sté Euromed cardio


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©Getty Images

À l’expiration d’un ou de plusieurs contrats de travail à durée déterminée (CDD), le salarié peut être embauché, sans délai, sous contrat à durée indéterminée (CDI) par l’entreprise dans laquelle il travaillait. Dans ce cas, la durée de ce ou de ces CDD est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail (C. trav. art. L 1243-11, al. 3), même si les différents contrats sont séparés par de courtes périodes d’interruption (Cass. soc. 9-10-2013 n° 12-12.113 FS-PB : RJS 12/13 n° 789). La déduction de la durée des CDD antérieurs de la période d’essai du nouveau contrat est a fortiori admise en cas de nouvelle embauche en CDD à l’issue de CDD immédiatement successifs (Cass. soc. 13-6-2012 n° 10-28.286 F-D : RJS 8-9/12 n° 687). Toutefois, sauf fraude à la loi, l’employeur n’a pas à réduire la période d’essai si le nouvel emploi correspond à un poste différent (Cass. soc. 17-3-1993 n° 89-45.508 D) exigeant du salarié des qualités et des compétences autres.

Dans l’arrêt rendu le 19 juin 2024, publié au bulletin de ses chambres civiles, la Cour de cassation rappelle les conditions de mise en œuvre de la période d’essai en cas de succession de contrats antérieurs, confirmant ainsi sa jurisprudence en la matière.

Conclusion d’un CDI avec période d’essai après 3 CDD

En l’espèce, une infirmière diplômée d’État (DE) avait été recrutée en CDI le 4 septembre 2017 après avoir bénéficié de 3 CDD conclus pour les périodes respectives du 18 au 31 mai 2017, du 1er au 30 juin 2017 et du 1er au 30 août 2017, en remplacement de salariés absents. Le 15 septembre 2017, l’employeur avait mis fin à la période d’essai de 2 mois prévue au contrat de travail. La salariée avait alors saisi la juridiction prud’homale pour demander l’inopposabilité de la période d’essai et la requalification de la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse. S’appuyant sur l’article L 1243-11, alinéa 3 du Code du travail précité, elle soutenait que l’employeur ne pouvait pas valablement se prévaloir d’une rupture intervenue durant la période d’essai dès lors que la durée cumulée des CDD précédemment exécutés à son service devait être déduite de la période d’essai, laquelle se trouvait donc réduite à néant.

La licéité de la période d’essai ne peut pas être discutée

Le CDI peut comporter une période d’essai, laquelle permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent (C. trav. art. L 1221-19 et L 1221-20). Durant cette phase du contrat de travail, chaque partie peut, en principe, décider de rompre la relation de travail sans indemnité, sauf stipulations conventionnelles contraires ou statut protecteur particulier.

En l’espèce, la cour d’appel n’a pas remis en cause la licéité de la stipulation d’une période d’essai dans le CDI conclu après les 3 CDD antérieurs. Comme le rappellent les juges du fond, l’existence de ces contrats ne privait pas dans le principe l’employeur de la possibilité de prévoir une période d’essai dans le nouveau contrat conclu (CA Aix-en-Provence 18-6-2021 n° 19/04754). Et de fait, cette position a pour fondement l’article L 1243-11, alinéa 3 du Code du travail qui envisage expressément qu’une période d’essai puisse être stipulée, sans subordonner son application à un changement de fonctions, sous la seule réserve de la déduction de la durée du CDD, cette période d’exécution du contrat ayant permis à l’employeur d’apprécier les aptitudes professionnelles du salarié.

Mais la question de son opposabilité se pose

La question qui se posait était celle de l’opposabilité au salarié de la période d’essai. Cette question nécessitait, d’une part, de déterminer si l’employeur devait prendre en compte le dernier CDD uniquement ou bien les 3 CDD pour calculer la durée de la période d’essai du CDI. D’autre part, elle supposait de déterminer si le salarié avait occupé au cours de ses contrats successifs un même poste de travail que celui pris en CDI (sur cette question, voir ci-dessous).

La durée totale des CDD s’impute sur la période d’essai…

Pour débouter la salariée de ses demandes, la cour d’appel a considéré que la règle posée par l’article L 1243-11, alinéa 3 du Code du travail ne vaut que pour autant qu’il s’agisse d’une chaîne de contrats qui se succèdent sans interruption, au moins significative.

Au regard des périodes intercalaires d’un mois et de 3 jours calendaires séparant respectivement les 2e et 3e CDD puis le 3e CDD et le CDI, elle estimait que seule la durée du troisième CDD du 1er au 30 août 2017 devait être déduite de la période d’essai, qui expirait le 4 octobre 2017. L’employeur qui avait rompu celle-ci le 15 septembre 2017 se trouvait donc encore dans le délai pour le faire.

La chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule cette décision pour violation de l’article L 1243-11 du Code du travail. Elle considère en effet qu’il résulte de ce texte que, lorsque la relation contractuelle de travail se poursuit par un CDI à la suite d’un ou de plusieurs CDD, la durée du ou de ces contrats est déduite de la période d’essai éventuellement prévue dans le CDI.

… même en cas de courtes interruptions entre eux…

La Haute Juridiction a déjà jugé que, lorsque le salarié a été, après l'échéance du terme de son CDD, engagé par CDI, la durée du ou des CDD est déduite de la période d'essai éventuellement prévue dans le nouveau contrat de travail, peu important que le salarié ait occupé le même emploi, en exécution de différents contrats (Cass. soc. 9-10-2013 n° 12-12.113 FS-PB précité). Dans ce précédent, qui concernait deux CDD séparés par de courtes périodes d’interruption, la Cour de cassation abandonnait le critère du caractère successif des CDD qu’elle retenait précédemment (Cass. soc. 31-1-2006 n° 04-46.782 F-D).

C’est dans le droit fil de cet arrêt de 2013 que la chambre sociale de la Cour de cassation s’inscrit ici. La présence d’une courte interruption entre les CDD importe peu.

… à condition que la même relation de travail se poursuive sans discontinuité fonctionnelle

Le seul critère à retenir pour la Haute Juridiction est celui de la poursuite de la relation de travail avec le même employeur, autrement dit de l’absence de discontinuité fonctionnelle, qui lui permet d’apprécier les compétences et les qualités professionnelles du salarié.

La cour d’appel ayant constaté que la salariée avait exercé à l’occasion de ses CDD en qualité d’infirmière dans différents services de soins sans aucune discontinuité fonctionnelle, la chambre sociale de la Cour de cassation juge que la même relation de travail s’était poursuivie avec l’employeur depuis le 18 mai 2017.

Par conséquent, la période d’essai de 2 mois stipulée au CDI était entièrement couverte par les 2 mois et 14 jours résultant de l’exécution de l’ensemble des CDD. Elle était donc bien inopposable à la salariée.

La cour d’appel avait constaté que la salariée avait été affectée dans le service de médecine cardiologique puis dans un service de consultations. Si l’employeur invoquait des caractéristiques propres et distinctes aux postes successivement occupés, elle avait toutefois relevé que rien ne permettait de l’établir. En effet, aucune spécialité n’est requise dans l’un et l’autre de ces services qui entrent dans le champ de compétence de la qualification d’infirmière DE. Dès lors que, aucune discontinuité fonctionnelle n'est avérée, le nouvel emploi n'exigeait de la salariée que des qualités et des compétences au moins similaires à celles requises par les fonctions précédemment occupées sous CDD.

A noter :

La Cour de cassation a déjà jugé qu’une période d’essai ne peut valablement être stipulée au contrat de travail si l’employeur a pu tester le salarié antérieurement sur des fonctions équivalentes (Cass. soc. 21-1-2015 n° 13-21.875 F-D ; Cass. soc. 13-6-2012 n° 11-15.283 FS-D : RJS 8-9/12 n° 670). En l’espèce, l’employeur avait bien été en mesure, pendant toute la durée des CDD, d’apprécier les compétences professionnelles de la salariée, au point de l’engager définitivement en CDI par la suite.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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