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Pour écarter une clause limitative de responsabilité, il suffit d'une faute lourde non intentionnelle

En matière contractuelle, la faute lourde qui empêche le débiteur de se prévaloir d’une clause limitative de responsabilité en cas d’inexécution n’a pas à être intentionnelle ; il suffit d'un comportement dénotant son inaptitude.

Cass. com. 26-6-2024 n° 23-14.306 F-D, Sté Fonderie et mécanique générale castelbriantaise c/ ADP Europe


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©Getty Images

Une entreprise, à laquelle un prestataire a fourni un logiciel de traitement de la paie, découvre des erreurs de calcul des primes d’ancienneté sur un an. Elle met en cause la responsabilité du prestataire, lui réclamant environ 95 000 € pour les salaires, les charges sociales et les indemnités de congés indûment payés au titre des primes d'ancienneté.

Pour réduire à 35 000 € la réparation allouée à l’entreprise, une cour d’appel applique la clause limitative de responsabilité qui figure dans le contrat liant les parties car, estime-t-elle, si le prestataire avait manqué à ses obligations contractuelles, il ne se déduisait pas de cette faute, à laquelle le prestataire avait remédié, la preuve d’un refus délibéré d’exécuter ses obligations qui permettrait d’écarter cette clause.

La Cour de cassation censure cette décision. La faute lourde, assimilable au dol, empêche le contractant auquel elle est imputable de limiter la réparation du préjudice qu'il a causé aux dommages prévus ou prévisibles lors du contrat et de s'en affranchir par une clause de non-responsabilité. Constitue une faute lourde le comportement d'une extrême gravité, confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur de l'obligation à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il avait acceptée. L'existence d'une faute lourde n'exige pas la preuve de son caractère intentionnel.

A noter :

Rappel d’une solution classique.

Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à un dol (C. civ. ex-art. 1150 au visa duquel l’arrêt commenté est rendu). Lors de la réforme du droit des contrats de 2016, le principe a été expressément étendu en cas de faute lourde (C. civ. art. 1231-3). La solution ici retenue est donc transposable au régime actuel de la responsabilité contractuelle.

En application de ces dispositions, les clauses limitant ou excluant la responsabilité du débiteur d’une obligation contractuelle en cas d'inexécution ou d'exécution tardive ou défectueuse sont écartées lorsque le débiteur commet une faute dolosive ou lourde (jurisprudence constante, dont Cass. com. 4-3-2008 n° 07-11.790 FS-PB : RJDA 6/08 n° 654 pour la faute dolosive et Cass. com. 24-5-2023 n° 22-21.896 F-D pour la faute lourde).

Si la faute dolosive supposait initialement l'intention de causer le dommage, tel n’est plus le cas depuis longtemps : cette faute est caractérisée lorsque le débiteur refuse délibérément d'exécuter ses obligations, même s'il n'a pas l'intention de nuire à son cocontractant (Cass. 1e civ. 4-2-1969 n° 67-11.387 : Bull. civ. I n° 60 ; Cass. com. 19-1-1993 n° 91-11.805 P : Bull. civ. IV n° 24 ; Cass. com. 4-3-2008 précité ; Cass. 1e civ. 31-1-2018 n° 16-25.522 F-D). Une telle faute lui interdit en outre de se prévaloir de la limitation légale de responsabilité des articles précités.

La faute lourde consiste en une négligence d'une extrême gravité confinant au dol et dénotant l'inaptitude du débiteur à l'accomplissement de la mission contractuelle qu'il a acceptée (notamment, Cass. com. 3-4-1990 n° 88-14.871 P : Bull. civ. IV n° 108 ; Cass. com. 11-7-1995 n° 93-17.477 P : RJDA 1/96 n° 60 ; Cass. com. 8-2-2023 n° 21-17.705, 21-11.415 F-B). L’absence de preuve du caractère intentionnel de la faute commise par le débiteur n’exclut donc pas l’existence d’une faute lourde. La cour d’appel de renvoi devra examiner en l’espèce si la gravité du manquement, même non intentionnel, commis par le prestataire permettait de retenir une faute lourde à l'encontre de celui-ci et de le priver ainsi du bénéfice du plafond contractuel d’indemnisation.

Documents et liens associés : 

Cass. com. 26-6-2024 n° 23-14.306 F-D

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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