Des époux gratifient leur fille unique de la nue-propriété de deux maisons, s’en réservant l’usufruit avec clause de réversion au profit du dernier vivant. Trois ans plus tard, la fille décède et ses deux enfants deviennent coïndivisaires en nue-propriété de ces biens. Par la suite, leur grand-père rédige un testament par lequel il attribue à chacun une maison et désigne l’un d’eux mandataire de la succession. S’agissant des avoirs, il indique : « Finances : après avoir fait les règlements des impôts en cours, EDF-Téléphone-Pompes funèbres Roux etc. […] Vous faites le partage du solde restant 50 % chacun ». Enfin, après le décès de son épouse, il renonce, aux termes d’un acte de donation-partage, à son usufruit au profit de ses petits-enfants. Ceux-ci procèdent au partage avec soulte des maisons sous sa médiation. Puis, au décès de leur grand-père, l’un d’eux saisit le juge pour obtenir notamment la distribution du patrimoine successoral de manière égalitaire, conformément aux dispositions de dernières volontés qu’il qualifie de testament-partage.
La cour d’appel écarte cette qualification en quatre arguments au profit de celle de testament :
- l’utilisation par le testateur de la formule « déclarer léguer » traduit sa volonté de procéder à des legs d’attribution, et non pas celle d’allotir divisément ses héritiers ;
- le principe égalitaire invoqué pour justifier la qualification de testament-partage n’est pas respecté par le défunt, celui-ci n’ayant pas exprimé sa volonté de corriger l’inégalité de valeur entre les biens immobiliers légués ;
- les legs portant sur l’usufruit des maisons ne permettaient pas d’atteindre l’objectif du testament-partage, qui est d’imposer un partage à ses héritiers afin d’éviter une situation d’indivision, ce d’autant plus qu’il y a renoncé ultérieurement ;
- la mention testamentaire relative aux « Finances » s’analyse non pas comme un partage de l’intégralité des biens présents et à venir du défunt, mais comme un partage par moitié des liquidités subsistant sur les comptes bancaires du testateur à son décès.
A noter :
On retiendra de cet arrêt, de pure illustration, le rappel de la difficulté chronique de qualification qui accompagne la figure du testament-partage (voir Mémento Successions Libéralités 2024, dir. B. Vareille, n° 65625).
Les juges du fond, dans cette affaire, au travers de leur interprétation des dispositions de dernières volontés litigieuses nous livrent également un précieux conseil de rédaction. Si le testateur souhaite exprimer sa volonté de faire le partage de sa succession par testament, il sera bien avisé de ranger au placard la formule « je déclare léguer ».