La chambre sociale de la Cour de cassation se prononce une nouvelle fois sur la validité d’un avantage catégoriel au regard du principe d’égalité de rémunération. Cette fois-ci, elle écarte purement et simplement l’application de ce principe entre les cadres et les non-cadres en raison de l’objet même de l’avantage en cause : une prime de 13e mois.
L’employeur réserve le bénéfice de la prime de 13e mois aux cadres
Dans cette affaire, plusieurs ouvriers et employés d’une entreprise contestaient devant la juridiction prud’homale le fait qu’une prime de 13e mois soit réservée, vraisemblablement par une décision unilatérale de l’employeur ou un usage d’entreprise, aux seuls cadres. Selon eux, cette situation violait nécessairement le principe d’égalité de traitement entre les salariés.
La défense de l’employeur reposait sur la nature même de l’avantage revendiqué par les non-cadres. Il soutenait que les cadres ne bénéficiaient pas d’une véritable prime de 13e mois, mais d’une modalité particulière de règlement de leur salaire de base en 13 mensualités. Dès lors, les non-cadres n’effectuant pas un travail identique à celui des cadres, ils n'étaient pas fondés à réclamer un salaire identique sur le fondement du principe d’égalité de rémunération.
Tel n’a pas été le raisonnement de la cour d’appel de Riom, qui a condamné l’employeur à verser aux non-cadres la prime qu’ils revendiquaient. Pour les juges, ce « 13e mois » constituait bien une prime accordée aux seuls cadres, et non leur salaire de base. Cette différence de traitement devait par conséquent reposer sur une raison objective et pertinente pour être licite. En effet, selon une jurisprudence classique, la seule différence de catégorie professionnelle ne peut en elle-même justifier, pour l'attribution d'un avantage, ici la prime de 13e mois, une différence de traitement entre salariés placés dans une situation identique au regard de l'avantage en cause (notamment Cass. soc. 20-2-2008 n° 05-45.601 FP-PB).
A noter : En l’espèce, la prime de 13e mois n’avait pas été instituée par un accord collectif. C’est pourquoi les juges du fond ont appliqué le régime classique de justification des différences de traitement par une raison objective et pertinente, et non pas celui issu des arrêts du 27 janvier 2015 instaurant une présomption de justification des avantages conventionnels (Cass. soc. 27-1-2015 n° 13-22.179 FS-PBRI, n° 13-25.437 FS-PB et n° 13-14.773 FS-PB).
Le principe d’égalité de traitement ne peut pas être invoqué par les non-cadres
La Cour de cassation a une tout autre analyse et décide de casser, sans renvoi, l’arrêt de la cour d’appel de Riom pour fausse application du principe d’égalité de traitement. Nul besoin, en effet, de trouver une justification à la différence salariale invoquée par les non-cadres pour la simple et bonne raison que le principe d’égalité n’a pas vocation à s’appliquer dans cette affaire. Les non-cadres sont donc déboutés de leur demande.
Pour la chambre sociale, une prime de 13e mois, quelles que soient d’ailleurs ses modalités de versement contrairement à ce que soutenait l’employeur, n’a pas d’objet spécifique étranger au travail accompli ou destiné à compenser une sujétion particulière. Elle fait donc partie de la rémunération annuelle versée, au même titre que le salaire de base, en contrepartie du travail à l’égard duquel les cadres et les non-cadres ne sont pas placés dans une situation identique, notamment au regard des responsabilités ou des fonctions managériales. Impossible donc pour un non-cadre de revendiquer au nom du principe d’égalité de traitement la même rémunération que celle d’un cadre, peu important que celle-ci soit composée d’un salaire de base et d’une prime de 13e mois.
En pratique : il en serait allé autrement si la prime avait eu un objet spécifique étranger au travail accompli ou avait été destinée à compenser une sujétion particulière. Par exemple, le versement d’une prime de vacances ou d’ancienneté devrait ainsi respecter le principe d’égalité de rémunération.
Guilhem POSSAMAÏ
Pour en savoir plus sur l'égalité professionnelle : Voir Mémento Social nos 32000 s.