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Élections professionnelles : un électeur ne peut pas demander à un autre de voter à sa place

L'exercice personnel du droit de vote constitue un principe général du droit électoral auquel seul le législateur peut déroger.

Cass. soc. 3-10-2018 n° 17-29.022 F-PB


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L’exercice du droit de vote est personnel même en cas de vote électronique

Dans cet arrêt récent, la Cour de cassation a jugé que « l'exercice personnel du droit de vote constitue un principe général du droit électoral auquel seul le législateur peut déroger ». La conséquence de la qualification de principe général du droit électoral est connue : la violation d’un tel principe entraîne en soi l’annulation des élections sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur le point de savoir si cette violation a ou non été de nature à exercer une influence sur les résultats du scrutin.

Le jugement du tribunal d’instance qui avait refusé d’annuler des élections au motif que, si deux électeurs avaient bien confié à un autre le soin de voter pour eux dans le cadre d’un vote par voie électronique, cette irrégularité n’avait eu aucune incidence sur les résultats du scrutin est donc cassé.

A noter : Notons que cette décision est transposable au comité social et économique (CSE).

Une solution sévère ?

La solution retenue est cohérente avec l’interdiction du vote par procuration pour les élections professionnelles (Cass. soc. 3-7-1984 n° 83-61.173 P ; Cass. soc. 21-7-1981 n° 81-60.568 P). Toutefois, elle semble en décalage avec la ligne de la Cour de cassation habituellement favorable à l’utilisation du vote électronique et l'on peut craindre qu’elle freine le recours à ce mode de scrutin.

En effet, les élections professionnelles sont un moment sensible dans la vie de l’entreprise et l’employeur, les syndicats, les candidats, ou de simples électeurs peuvent être prompts à agir en annulation des élections dès lors qu’ils ne sont pas satisfaits des résultats.

Or, cet arrêt pourrait leur permettre d’obtenir facilement une telle annulation. Ainsi, par exemple, il suffirait qu’un syndicat produise une attestation de l'un de ses adhérents ou sympathisants faisant état de ce qu’il a confié son code personnel à un tiers ou qu’un employeur convainque un salarié, lui aussi mécontent du résultat, de faire une telle attestation. En effet, la réalité du vote électronique pour autrui paraît impossible à établir par d’autres moyens que l’attestation. Ainsi, quand bien même il serait constaté (ce qui suppose déjà des investigations auprès du prestataire de services) que deux votes ont été émis à partir d’un même terminal appartenant en propre à un électeur ou normalement utilisé par un seul électeur, cela ne prouverait en rien le vote pour autrui ; un terminal peut être prêté, un électeur peut se faire assister...

En outre, dès lors qu’il est fait à la demande, le vote pour autrui traduit bien le choix des intéressés. Il pourrait être particulièrement utilisé en matière de vote électronique, notamment pour les personnes, encore nombreuses aujourd’hui, qui refusent de réaliser des opérations par internet.

En l’espèce, les deux électeurs concernés avaient remis leur code confidentiel à l’un des candidats. Difficile d’imaginer que leur intention n’ait pas été de voter pour lui ou que ce candidat ait reporté leur choix sur un de ses concurrents et, dès lors, que les résultats électoraux ne reflètent pas la volonté des électeurs.

La question se pose donc de savoir si la solution retenue n’est pas un peu extrême alors que, même en matière politique, le vote par procuration est autorisé et est réputé traduire le choix des mandants.

La validité d’une proportion importante des élections professionnelles pourrait être compromise par cet arrêt qui offre un moyen d’en demander l’annulation sans avoir à établir que l’irrégularité a pu avoir une incidence sur les résultats. En effet, la reconnaissance du vote personnel en principe général du droit électoral vaut non seulement en matière de vote électronique mais aussi pour les autres formes de vote utilisées dans les élections professionnelles : le vote par correspondance (avec dans ce cas l’exigence de signature de l’électeur concerné avant l’expédition postale) et le vote physique par dépôt d’un bulletin dans une urne. Or, il est illusoire de penser que des procédés permettant à des électeurs de voter pour d’autres n’existent pas déjà, ne serait-ce que pour les personnes illettrées.

Pour en savoir plus sur l'élection du comité social et économique : voir Mémento Social nos 8570 s.

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne