Quelles sont les attentes de la jeune génération RH ? Leur état d’esprit ? Leurs déconvenues ? Lors du séminaire Jeunes Pros RH, organisé par l’ANDRH, en partenariat avec Lefebvre Dalloz (éditeur d’actuEL-RH), le 22 septembre, les nouveaux RRH et DRH ont partagé leur vision du métier et leurs aspirations.
D’abord, ils aiment leur job. Ils sont satisfaits de leur entrée dans la vie professionnelle et d’exercer un métier qui a "du sens". "La fonction RH est clairement un métier passion, assure Solène Delavaquerie, RH chez Handicap international, âgée de 31 ans. Le DRH a un rôle à part dans l’entreprise que ni le DAF ni même le DG ne peuvent accomplir. Il est le principal garant des enjeux sociaux et humains des organisations".
Ce qu’ils apprécient ? "D’être utile aux salariés, quelle que soit la mission, recrutement, gestion de carrières, relations sociales, renchérit Aurélien Liaud, responsable RH d’une usine du groupe Barry Callebaut (fabricant de produits à base de cacao et de chocolat de qualité), âgé de 28 ans. C’est important pour moi en tant qu’individu".
Les tâches administratives, le point noir
Au quotidien, toutefois, l’exercice du métier n’est pas toujours un long fleuve tranquille. "J’avais minimisé l’ampleur des tâches administratives", reconnaît Aurélia Berthet, RRH au sein d’ECM Ecole de Commerce et Management. De plus, "nous sommes toujours dans un entre-deux, on doit porter les valeurs de la direction mais aussi la voix des salariés".
Une position d’équilibriste qu’ils défendent mordicus : "ça m’agace que le DRH soit associé à celui qui défend uniquement les intérêts du patron. Nous avons une vision équilibrée des situations et non dogmatiques afin que les intérêts des entreprises et des salariés puissent matcher", insiste Alexis Berthel, DRH d’un groupe spécialisé dans la sécurité (30 ans).
Les jeunes pros bien décidés à faire bouger les lignes
En réalité, ils ne se contentent pas de marcher dans les pas de leurs aînés. Ils veulent faire bouger les lignes. Comment ? "Notre travail est d’être à l’écoute des collaborateurs et de voir comment on peut faire coïncider les besoins des collaborateurs avec les contraintes de l’organisation", assure Jérémy Lazzarotto, chef de projet RH au sein du département des Yvelines (29 ans). "On est davantage dans la co-construction de projets, relève Josselin Kniebuhler, encore étudiant. Les RH à l’ancienne qui te disent « tu rentres dans le cadre ou tu ne rentres pas », c’est fini…".
D'ailleurs, ils regorgent d’idées sur la fonction. Pour Alexis Berthel, l’un des enjeux du métier va être justement de développer une GRH à la carte pour coller aux aspirations des salariés. "On connaît la flexibilité, mais pas encore l’ultra-flexibilité. Or, je pense que nous allons nous diriger vers une individualisation plus marquée du travail et de l’organisation. Demain, nous devrons proposer un temps de travail sur quatre, cinq, six voire sept jours. C’est-à-dire que nous devrons être capables de répartir les 35 heures hebdomadaires sur quatre, cinq, six voire sept jours en fonction des attentes de chaque salarié… ".
Une perspective qui prend des allures de calvaire pour les professionnels RH mais une étape nécessaire, selon Alexis Berthel, "pour réinventer la promesse employeur et attirer les talents".
Une ouverture sur les sujets environnementaux et sociétaux
Ils ne comptent pas non plus circonscrire la fonction RH aux prérogatives traditionnelles mais souhaitent s’ouvrir à des nouveaux champs de compétences tels que les sujets sociétaux ou environnementaux. "Mon entreprise n’a pas vocation à être totalement différente de la société. Elle en est d’ailleurs son reflet. Les sujets de société viennent percuter la vie de l’usine. Je ne peux pas y être indifférent", assure Aurélien Liaud.
"Le DRH doit aller vers l’extérieur et ne pas être centré sur l’intérieur, poursuit Alexis Berthel. S’il observe que les sujets environnementaux ont plus leur place dans un département QSE que dans un service RH, il estime, en revanche, que les questions liées à la RSE, aux violences conjugales, à l’orientation ou encore à l’emploi des seniors, peuvent constituer de véritables leviers d’engagement".
Les entreprises ont donc tout intérêt à prendre à bras-le-corps ces questions pour répondre aux attentes des salariés qui "souhaitent défendre des causes qui leur sont chères".
Exigeants sur les valeurs de leur entreprise
Eux-mêmes n’accepteraient pas un emploi qui n’a pas de "sens" pour eux. Comme les jeunes de leur génération, ils restent exigeants sur l’entreprise choisie.
Solène Delavaquerie a quitté un groupe du Cac 40, il y a quelques mois pour rejoindre une association caritative, Handicap international. "J’ai opéré ce switch car j’avais besoin de me projeter dans un environnement qui me correspondait davantage, en accord avec mes valeurs et mes envies".
De même, Aurélia Berthet apprécie les valeurs de sa structure, une école de management. "Je ne pourrais pas travailler dans une entreprise où mes valeurs seraient en contradiction avec celles de la direction".
Manque d’innovation RH
Ils restent aussi critiques vis-à-vis des gens du sérail. Charlotte Prod’homme, chargée de formation et de projets RH (28 ans), regrette le "manque d’innovation de la fonction". "La digitalisation des outils RH permet de réinventer de nouvelles approches pédagogiques, comme les serious games, les classes virtuelles… Avec l’idée de rendre plus attractives les sessions de formation notamment pour favoriser les transitions professionnelles. L’innovation RH est primordiale, elle permet de démontrer au sein des Comex que la fonction RH n’est pas un coût pour l’entreprise mais apporte une vraie plus-value".
A cet égard, Chat GPT n’est pas perçu comme une menace mais plutôt un allié pour la profession. "Le métier ne va pas disparaître mais évoluer. Les tâches répétitives, manuelles, vont se réduire progressivement au profit de tâches plus stratégiques et relationnelles", indique, optimiste, Jérémy Lazzarotto. "A terme, ce sera un gain de temps énorme, complète Aurélien Liaud. Les missions très énergivores comme les tâches administratives vont être automatisées".
Les inégalités salariales pointées du doigt
Les inégalités sont également scrutées à la loupe. Les écarts de salaire entre hommes et femmes de la profession ne sont pas leurs seules revendications. Pour Solène Delavaquerie, d’autres discriminations existent, notamment entre les rémunérations des DAF et des DRH. "Le DRH a encore du mal à se positionner comme l’égal du DAF dans les équipes de direction ; ça me scandalise".
Ils réfutent aussi le terme "fonction support". Pour eux, la fonction est plutôt associée à celle d’un business partner, capable de fournir une vision stratégique des projets de l’entreprise, loin de l’image du responsable du personnel enfermé dans sa tour d’ivoire.
Des plans de carrière pas encore très définis
Comment se projettent-ils dans 10 ans ? Si certains comme Aurélien Liaud se sont fixés pour objectif d’être DRH, à "35 ans", d’autres n’ont pas une vision aussi claire de leur carrière. Ils n'envisagent pas tous des parcours linéaires.
"Etre DRH n’est pas une finalité en soi, confie Aurélia Berthet. Je suis intéressée par le contenu des missions. Je souhaite rester proche du terrain. Si ma voix compte et que j’ai la possibilité de mettre en place des choses à mon niveau, cela me convient". D’autant que si le métier fascine, il inquiète aussi. "J’ai envie d’endosser ce rôle mais en même temps c’est une fonction très exposée : les DRH sont souvent malmenés, ce sont les premières personnes que l’on va voir quand ça va mal. Malgré leur engagement, ils sont souvent éreintés. Pour l’heure, je souhaite me muscler sur des postes spécialisés au sein de la fonction RH", souligne Solène Delavaquerie.