Représentés par leur fils en vertu d’une procuration sous seing privé, des époux vendent à leur fille et à leur gendre un immeuble dans lequel ils continuent à habiter, avec les acheteurs. Quelques mois après le décès de son conjoint, l’épouse est placée sous curatelle. Puis, des dissensions avec sa fille et son gendre la conduisent à s’installer chez une autre de ses enfants. Assistée de sa curatrice, elle assigne alors les acheteurs et le notaire en annulation de la procuration et de l’acte de vente. Elle invoque un vice du consentement et son incapacité à contracter, faisant notamment valoir qu’elle et son époux pensaient pouvoir rester dans les lieux alors que l’acte ne prévoyait aucune réserve d’usufruit. La cour d’appel rejette la demande : l’intéressée est recevable à invoquer la nullité relative des contrats litigieux mais elle ne peut pas remettre en cause la capacité ou le consentement de son défunt époux, cocontractant, cette action n'étant ouverte qu'à ses héritiers.
Censure de la Cour de cassation, qui énonce que :
le conjoint survivant non divorcé est un conjoint successible auquel la succession est dévolue par la loi, avec les parents du défunt (C. civ. art. 731 et 732) ;
les héritiers peuvent engager une action en nullité d'un acte, autre qu'une donation entre vifs et un testament, fait par leur auteur, pour insanité d'esprit, notamment si cet acte porte en lui-même la preuve d'un trouble mental (C. civ. art. 414-2).
La requérante, en sa qualité d’héritière de son époux, pouvait donc agir en nullité des actes litigieux dès lors qu’elle remplissait les conditions de l’article 414-2 du Code civil.
A noter :
Les conditions de validité d’un contrat sont un contenu licite et certain, la capacité de contracter des parties et leur consentement (C. civ. art. 1128). Le consentement n’est valable que si les contractants sont sains d’esprit, et il appartient à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte (C. civ. art. 414-1 et 1129 combinés). L’action en nullité pour insanité d’esprit doit être exercée dans un délai de cinq ans (C. civ. art. 2224). De son vivant, seul l’auteur de l’acte peut agir ; après sa mort, ses héritiers ne le peuvent que dans les cas suivants (C. civ. art. 414-2) :
l’acte portait en lui-même la preuve d’un trouble mental ;
l’intéressé était placé sous sauvegarde de justice au moment de l’acte ;
ou, avant son décès, une action avait été introduite aux fins d'ouverture d'une curatelle, d'une tutelle ou d'une habilitation familiale ou un mandat de protection future avait pris effet.
En l’espèce, le défunt ne relevait pas des deux dernières hypothèses ; la requérante pouvait donc agir à la condition que l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental, comme précisé par la Haute Juridiction.
Rappelons toutefois que ces restrictions à l’action des héritiers ne concernent pas les libéralités, dont la nullité peut être demandée sur la seule preuve du trouble mental (C. civ. art. 901).