Une femme décède, laissant à sa succession une fille née d'un premier mariage et les quatre enfants nés de son second mari, prédécédé et avec qui elle était mariée en séparation de biens. Un litige naît entre les héritiers pour la réintégration à la succession de la défunte du prix d'une collection d'étains constituée par le second mari et vendue plusieurs années auparavant.
Pour la cour d'appel, la collection relève de la présomption simple de propriété instituée au profit de l'épouse dès lors :
que le contrat de mariage prévoit que sont réputés être la propriété exclusive de la future épouse les meubles meublants, linge, argenterie et autres objets mobiliers quelconques qui garniront l'habitation commune pendant le mariage comme à la date de sa dissolution ; il n'y aura d'exception que pour les objets sur lesquels l'époux ou ses héritiers établiront leur droit de propriété par titres, factures de marchands ou tout autre moyen de preuve légal ;
qu'il résulte des articles de journaux et photographies produits que les objets en étain avaient servi à décorer et garnir, de façon exceptionnelle, le logement commun ;
que s'il est établi que les étains ont été recherchés et choisis par le mari, il n'est justifié d'aucun acte d'achat ou facture y afférent et la déclaration de succession du mari ne faisait mention d'aucune collection ni d'un inventaire de mobilier.
Par suite, les enfants du second mariage ne rapportaient pas la preuve contraire de l'appartenance de cette collection. Ils devaient en restituer le prix de vente à la succession de leur mère.
Ils contestent, faisant valoir que la présomption ne peut s'appliquer aux collections d'œuvres d'art, lesquelles ne sont ni des meubles meublant, ni des meubles qui garnissent ou ornent un logement.
La Cour de cassation confirme l'arrêt d'appel. C'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a décidé que les héritiers ne rapportaient pas la preuve contraire permettant d'écarter la présomption de propriété au profit de l'épouse.
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A noter :
Le Code civil autorise les époux séparés de biens à stipuler dans leur contrat de mariage des présomptions de propriété ayant effet, sauf clause contraire, à l'égard des tiers et de l'autre conjoint. Par exemple, une clause du contrat de mariage peut préciser que :
les éléments du stock d'un fonds de commerce sont la propriété présumée de l'époux qui exploite ce fonds ;
comme en l'espèce, les meubles du domicile conjugal seront réputés appartenir au dernier vivant.
Toutefois, l’efficacité de telles présomptions est relative puisqu'elles peuvent être renversées par les époux, leurs héritiers, voire leurs créanciers qui sont autorisés à les combattre « par tous moyens propres à établir que les biens n'appartiennent pas à l'époux que la présomption désigne, ou même, s'ils lui appartiennent, qu'il les a acquis par une libéralité de l'autre époux » (C. civ. art. 1538, al. 2). En l'espèce, les enfants du second mariage estimaient que la preuve selon laquelle la collection était la propriété exclusive de leur père résultait des éléments suivants : articles de presse décrivant leur père comme acheteur des étains pour les réunir dans une collection unique ; programme de vente aux enchères annonçant la mise en vente de la collection désignée par le nom de leur père. Or, si la preuve peut se faire par tous moyens, elle relève de l’appréciation souveraine des juges du fond. Au cas particulier, la preuve de la propriété ne pouvait être rapportée qu'au moyen d'un acte d'achat, d'une facture justifiant cet achat ou encore de la mention de la collection dans la déclaration de succession voire dans l'inventaire du mobilier.
Lors de l'établissement du contrat de séparation de biens, s'il stipule une présomption de propriété, le notaire devra donc alerter ses clients qu'en cas d'achat de meubles ou collections d'objets par l'un d'eux, l'époux réalisant cet achat seul devra conserver ses justificatifs de propriété et ses héritiers en faire mention lors de la succession. À défaut, la présomption de propriété a toutes ses chances de prospérer.