Cass. crim. 5-9-2023 n° 22-86.256 F-B
Un salarié, ou ancien salarié, qui commet une infraction de droit commun engage sa responsabilité au plan civil comme au plan pénal. Illustration avec une décision de la chambre criminelle de la Cour de cassation relative au vol commis par l'ancien dirigeant d'une société dans les locaux de celle-ci.
Un vol commis par un ex-salarié avec le code de désactivation de l’alarme
L’histoire est cocasse. Après avoir été destitué de son poste de direction, l’ex-président d’une société fait appel à un autre salarié pour qu’il s’introduise de nuit, dans les locaux de l’entreprise, à l’aide d’un code pour désactiver l’alarme, code qui lui a été attribué pour y accéder seulement pendant ses heures de travail.
Quelques jours plus tard, l’ex-président et deux autres salariés se concertent pour effacer l’historique des traces informatiques d’activation et de désactivation de l’alarme.
L’ex-président de la société est toutefois poursuivi et condamné pour vol aggravé et atteinte à un système de traitement automatisé de données à une peine d’emprisonnement assortie de sursis et à une peine complémentaire d’interdiction professionnelle.
Il conteste la condamnation, et en particulier, le recours à la ruse qui lui est reproché.
La Cour de cassation est alors saisie.
Si la sanction du vol dans l’entreprise ne fait pas de doute…
Ce n’est pas la qualification de vol de l'ex-salarié en tant que tel qui est au cœur du litige. Depuis longtemps, la jurisprudence admet que le vol de documents ou de matériel et marchandises appartenant à l'entreprise est pénalement sanctionnable (par exemple, Cass. crim. 17-5-1994 n° 93-83.042 D).
A noter :
La soustraction par un salarié de la copie de documents appartenant à l'entreprise dans le but de se ménager une preuve pour assurer sa défense dans le cadre d'un litige prud'homal ne constitue pas nécessairement un vol pour la chambre criminelle (Cass. crim. 9-6-2009 n° 08-86.843 F-PF). En revanche, quand cette soustraction a un autre objectif, elle justifie la condamnation du salarié. Par exemple, la chambre criminelle de la Cour de cassation reconnaît ainsi qu’est coupable de vol le salarié qui photocopie des documents de l'entreprise, mais pour les produire lors de son audition par les gendarmes à la suite d'une plainte déposée contre lui pour diffamation par l'employeur afin de prouver la véracité de ses dires (Cass. crim. 9-6-2009 précité). Il en est de même pour un salarié qui, au moment de sa démission pour rejoindre une société concurrente, emporte des dossiers de l’employeur (Cass. crim. 21-6-2011 n° 10-87.671 F-PB).
… la ruse peut-elle être retenue en l’absence de stratagème ?
En revanche, l’ex-président conteste la qualification de vol en réunion par ruse dans un lieu utilisé ou destiné à l'entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels. Il estime que la ruse suppose de tromper la confiance de la future victime en s’introduisant chez elle grâce à un mensonge ou à des artifices divers. Or, dit-il, il n’a utilisé aucun stratagème.
A noter :
L’utilisation de la ruse aggrave la peine encourue au titre du vol. En effet, l’article 311-5, 3° du Code pénal le punit de 7 ans d’emprisonnement et de 100 000 € d’amende (au lieu de 3 ans et 45 000 € d’amende pour un vol simple) lorsqu’il est commis dans un commis dans un local d'habitation ou dans un lieu utilisé ou destiné à l'entrepôt de fonds, valeurs, marchandises ou matériels, en pénétrant dans les lieux par ruse, effraction ou escalade.
Les juges du fond ne lui donnent pas raison. Ils relèvent qu’en empêchant tout déclenchement de l’alarme, l'ancien salarié a agi par ruse et que ses échanges avec d'anciens collègues, 3 jours après les faits, pour effacer l'historique des traces informatiques d'activation et de désactivation de l'alarme, établissent une action concertée de vouloir supprimer la preuve de la ruse employée.
La chambre criminelle de la Cour de cassation va dans le même sens. Elle rappelle que la ruse se définit par l'utilisation d'un procédé habile, mais déloyal, destiné à parvenir à ses fins.
Dès lors, l'utilisation par l'ancien salarié d'un code, qui ne lui a été remis qu'à des fins professionnelles, pour s'introduire dans les locaux où est commis le vol caractérise la circonstance aggravante de ruse.
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