Un associé d’une société anonyme obtient du président d'un tribunal de commerce la désignation d’un expert chargé d'établir un rapport sur certaines opérations de gestion de la société (application de C. com. art. L 225-231). Le rapport ayant été déposé, l’associé estime que l’expert n'a pas pu mener à bien sa mission en raison du refus de la société de communiquer des documents. Il demande alors que cet expert soit de nouveau désigné, dans le cadre d’une nouvelle expertise, réalisée sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile (expertise dite « préventive »).
La demande est rejetée par une cour d’appel qui estime notamment que l'expertise de gestion ordonnée sur le fondement de l'article L 225-231 du Code de commerce a une finalité informative différente de celle sollicitée sur le plan probatoire en vue d'une action en justice sur le fondement de l'article 145 du Code de procédure civile et que l’associé n'excipe ni d'anomalies dans l'établissement des comptes ni d’une impossibilité d’accès à ces comptes.
Décision censurée par la Cour de cassation : la cour d’appel aurait dû rechercher si l’expertise sollicitée sur certaines opérations de la société (notamment, prix de transfert et prestations intragroupe, conditions de vente d'actifs sociaux immobiliers) ne se justifiait pas par la perspective d’une éventuelle action en responsabilité contre les dirigeants de la société.
A noter Confirmation de jurisprudence. La faculté pour les associés de sociétés par actions ou de SARL de solliciter une expertise de gestion fondée sur les dispositions du Code de commerce (C. com. art. L 223-37 et L 225-231) ne les empêche pas de demander la désignation d’un expert sur le fondement du droit commun de l’article 145 du Code de procédure civile (Cass. com. 15-9-2015 n° 13-25.275 F-D : RJDA 1/16 n° 37).
L'expertise préventive de l’article 145 est ouverte à tout intéressé disposant d'un motif légitime et permet de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige. Le motif légitime à la mise en place de cette mesure s’entend comme la démonstration d’un intérêt à agir dans la perspective d’un éventuel litige avec son adversaire. Ainsi, une mesure d’instruction ne saurait être ordonnée en vue de permettre au demandeur, par la voie d’une mesure générale d’investigation, de découvrir un fondement juridique pour une demande en justice postérieure (CA Paris 30-6-2004 n° 04-2100 : RJDA 3/05 n° 279). En revanche, dispose d'un intérêt légitime celui qui ne se contente pas de mettre en cause la gestion du dirigeant de manière générale, mais identifie plusieurs opérations dont la preuve pourrait se révéler nécessaire dans le cadre d'une éventuelle action en responsabilité (CA Douai 6-7-2017 n° 17/00527 : RJDA 1/18 n° 35).
Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Groupe de sociétés n° 16530
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