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Le droit à la preuve peut justifier une atteinte proportionnée au secret bancaire

La production d’éléments portant atteinte au secret bancaire peut être ordonnée pour rechercher la responsabilité éventuelle de la banque. Mais il faut que cette production soit indispensable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte au secret soit proportionnée au but poursuivi.

Cass. com. 24-5-2018 n° 17-27.969 F-D


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En cas de litige, le juge peut, à la requête de l'une des parties, demander ou ordonner, au besoin sous peine d’astreinte, la production de tous documents détenus par des tiers s'il n'existe pas d'empêchement légitime (CPC art. 11, al. 2).

Une personne se rend caution du remboursement d'un prêt accordé par une banque à une société pour financer l'acquisition de la totalité des actions d’une autre société ; les deux sociétés ayant été mises en liquidation judiciaire, la banque poursuit en exécution de son engagement la caution, qui invoque alors divers manquements de la banque et lui réclame des dommages-intérêts. Au cours de l'instance d'appel, la caution demande qu’il soit ordonné à la banque de verser aux débats, sous astreinte, l’étude de ses services internes, et notamment de son comité d’audit, sur la viabilité de l’opération d’acquisition des actions de la société, ainsi que son analyse préalable à l’octroi d'un crédit à cette société le jour même de sa prise de contrôle.

La banque s’y oppose en invoquant son secret professionnel (C. mon. fin. art. L 511-33).

La Cour de cassation juge cependant que la communication des documents litigieux, nécessaire à la solution du litige, pouvait être exigée de la banque sans que celle-ci puisse invoquer les règles du secret bancaire, en se fondant sur l’argumentation suivante.

Le secret bancaire institué par l'article L 511-33 du Code monétaire et financier ne constitue pas nécessairement un empêchement légitime au sens de l'article 11 du Code de procédure civile lorsque la demande de communication de documents est dirigée contre l'établissement de crédit non en sa qualité de tiers confident mais en celle de partie au procès intenté contre lui en vue de rechercher son éventuelle responsabilité dans la réalisation de l’opération contestée. L'étude des services internes de la banque, comprenant son audit sur la viabilité de l'opération d'acquisition des actions de la société concernait directement la caution, qui s’était portée garante du prêt accordé par la banque à la holding constituée pour l'opération de rachat des actions, et il en était de même pour l'analyse faite par les services de la banque avant l'octroi, le même jour, d'un crédit à la société rachetée.

La production de ces documents était indispensable à l'exercice par la caution de son droit à la preuve dans le procès qui l'opposait à la banque, et dans lequel elle recherchait la responsabilité de celle-ci à l'occasion de l'octroi des crédits, et elle était proportionnée aux intérêts antinomiques en présence.

A noter : après avoir rappelé qu’une banque ne peut pas invoquer le secret professionnel quand une demande de communication de documents est dirigée contre elle pour rechercher son éventuelle faute (Cass. com. 19-6-1990 no 88-19.618 PB : Bull. civ. IV n° 179 ;  Cass. com. 29-11-2017 n° 16-22.060 F-PBI : BRDA 2/18 inf. 14), la chambre commerciale de la Cour de cassation précise, pour la première fois à notre connaissance, s’agissant du secret bancaire, que la production des pièces doit être indispensable à l’exercice du droit à la preuve et que l’atteinte au secret doit être proportionnée au but poursuivi et aux intérêts antinomiques en présence.

Cette exigence résulte de l’article 6, 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme, qui rend nécessaire un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé. Elle a été déjà appliquée par la première chambre civile en cas de demande de production d’éléments portant atteinte au secret des affaires (Cass. 1e civ. 22-6-2017 n° 15-27.845 FS-PB : BRDA 15-16/17 inf. 21) ou à  l’intimité de la vie privée (Cass. 1e civ. 10-9-2014 n° 13-22.612 F-PB : Bull. civ. I n° 143 ; Cass. 1e civ. 25-2-2016 n° 15-12.403 FS-PBI : D. 2016 p. 884 avis J.-C. Saint-Pau ;  Cass. 1e civ. 20-9-2017 n° 16-13.082 F-D : RJDA 1/18 n° 95).

Sophie CLAUDE-FENDT

Pour en savoir plus sur cette question : voir Mémento Droit commercial nos 40125 et 75530

© Editions Francis Lefebvre - La Quotidienne

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