Des époux souscrivent chacun un contrat d’assurance-vie en unités de compte auprès d’une compagnie d’assurances luxembourgeoise, et versent un même capital initial de 1,5 millions d’€. Deux ans et demi plus tard, après avoir effectué entre-temps un rachat partiel, les souscripteurs envoient une lettre recommandée à l’assureur pour lui notifier leur renonciation aux contrats. Ils invoquent le fait de ne pas avoir reçu une information précontractuelle conforme aux exigences légales. Ce manquement entraîne la prorogation de la faculté de renoncer au contrat d’assurance-vie. L’assureur refuse d’accéder à leur demande. Les époux l’assignent alors en restitution des primes versées diminuées du rachat partiel effectué et augmentées des intérêts de retard au taux majoré. Ils obtiennent gain de cause en appel.
Contre toute attente l’arrêt est cassé. La Cour de cassation commence par balayer l’argument selon lequel la prorogation du délai imparti au souscripteur pour renoncer au contrat d’assurance-vie en cas de manquement par l’assureur à ses obligations d’information serait une sanction disproportionnée au regard du droit de l’Union européenne.
Elle juge en revanche que ne saurait être maintenue sa jurisprudence initiée par les arrêts du 7 mars 2006 (Cass. 2e civ. 7-3-2006 n° 05-12.338 et 05-10.366 : Bull. civ. II n° 63) qui, n’opérant pas de distinction fondée sur la bonne ou mauvaise foi du souscripteur, ne permet pas de sanctionner un exercice de cette renonciation étranger à sa finalité et incompatible avec le principe de loyauté qui s’impose aux contractants.
Les juges du fond devront désormais rechercher, dans chaque affaire, la finalité de l’exercice du droit de renonciation par le souscripteur et s’il n’en résulte pas un abus de droit. Cette appréciation devra être faite, sous le contrôle de la Cour de cassation, au regard de la situation concrète du souscripteur, de sa qualité de souscripteur averti ou profane et des informations dont il disposait réellement au moment de la souscription du contrat.
A noter : toute personne physique qui souscrit un contrat d’assurance-vie ou de capitalisation a la faculté d’y renoncer dans les 30 jours à partir du moment où elle est informée de la conclusion du contrat (C. ass. art. L 132-5-1). Lorsque l’assureur ne lui remet pas des documents d’information strictement conformes à ce que prévoit le Code des assurances, le délai de renonciation est prorogé de plein droit jusqu’au 30e jour suivant la remise effective des documents (C. ass. art. L 132-5-2 ; dans la limite de 8 ans pour les contrats souscrits depuis le 1-3-2006). Cette règle a pu être utilisée par certains souscripteurs de contrats d’assurance-vie en unités de compte pour échapper à des pertes boursières accusées par leurs contrats. Prétextant de manquements, le plus souvent de forme, aux obligations d’information précontractuelle des assureurs, ils leur réclamaient la restitution du capital initial, parfois plusieurs années après la souscription. Les assureurs y ont vu une instrumentalisation de la faculté de renonciation étrangère à sa finalité, aboutissant en définitive à leur faire supporter le risque de fluctuation des marchés financiers.
Dans un premier temps, la Cour de cassation a jugé que la faculté de renonciation est un droit discrétionnaire du souscripteur, indépendant de la notion de bonne foi et exclusif de l’abus de droit (Cass. 2e civ. 7-3-2006 n° 05-12.338 et 05-10.366 : Bull. civ. II n° 63). Opérant un revirement radical, la Haute Juridiction subordonne désormais l’exercice de la faculté de renonciation à l’absence d’abus de droit et fournit aux juges du fond un vade-mecum pour apprécier le comportement du souscripteur. Entre-temps, le législateur est intervenu en 2014 pour réserver la prorogation du délai de renonciation au seul souscripteur de bonne foi, sans toutefois définir cette notion (C. ass. art. L 132-5-2, al. 4 dans sa rédaction issue de l’article 5 de la loi 2014-1662 du 30-12-2014). Il est permis de penser que la bonne foi au sens de la disposition nouvelle sera appréciée de la même manière par la jurisprudence.
Réda BEY, responsable du pôle Patrimoine, office notarial de Croissy-sur-Seine
Pour en savoir plus : voir Mémento des Particuliers n° 22618.