Plusieurs dirigeants d’une société cotée font l’objet d’une enquête de l’Autorité des marchés financiers (AMF) ainsi que d’une information judiciaire pour avoir enregistré en comptabilité un chiffre d’affaires inexistant résultant de « factures à établir » inexactes dans le but de majorer artificiellement les résultats de la société et du groupe.
La commission des sanctions de l’AMF leur inflige une sanction pécuniaire pour diffusion au public d’informations fausses ou trompeuses (cf. Règl. gén. AMF ex-art. 632-1, désormais Règl. UE 596/2014 du 16-4-2014 art. 12). Ils sont par ailleurs poursuivis devant le juge pénal pour les délits de faux (C. pén. art. 441-1) et présentation de comptes infidèles (C. com. art. L 242-6, 2°).
Une cour d’appel les condamne à des peines de prison en considérant que le principe « non bis in idem », selon lequel une même personne ne peut pas subir deux condamnations pénales pour les mêmes faits, ne trouvait pas à s’appliquer car les faits visés sont différents :
la diffusion d’informations fausses ou trompeuses consiste en une diffusion publique dont le support n’est pas nécessairement comptable, tandis que le délit de présentation de comptes infidèles est un délit comptable imputable aux seuls mandataires sociaux, qui ne se révèle que lors de la présentation des comptes aux actionnaires et n’a pas de caractère public ;
la diffusion d’informations reprochée aux dirigeants ne concernait que les comptes consolidés, alors que le délit de présentation de comptes infidèles s’applique uniquement aux comptes sociaux ;
le faux est un délit de « fabrication » qui n’est nécessaire ni à la diffusion d’informations trompeuses ni à la présentation de comptes infidèles, dont la fausseté peut provenir d’éléments autres que la fabrication d’un faux.
La Cour de cassation rejette le pourvoi formé par les dirigeants et la société contre cette décision : la notification des griefs de l’AMF pour diffusion d’informations fausses ou trompeuses n’empêchait pas les poursuites pénales pour les délits de faux et présentation de comptes annuels infidèles, poursuites qui se fondaient sur des faits différents de ceux sanctionnés par l’AMF.
A noter :
Dans l’affaire commentée, les dirigeants étaient poursuivis pour des faits susceptibles d’être sanctionnés au titre de plusieurs textes. En effet, constitue un faux pénalement sanctionné toute altération frauduleuse de la vérité, de nature à causer un préjudice et accomplie par quelque moyen que ce soit, qui a pour objet ou qui peut avoir pour effet d'établir la preuve d'un droit ou d'un fait ayant des conséquences juridiques (C. pén. art. 441-1). Par ailleurs, le Code de commerce punit les dirigeants sociaux qui ont sciemment publié ou présenté aux actionnaires, en vue de dissimuler la véritable situation de la société, des comptes annuels ne donnant pas une image fidèle du résultat des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine de la société (C. com. art. L 242-6, 2°). Enfin, le fait de diffuser des informations qui donnent des indications fausses ou trompeuses sur la situation d'une société cotée ou qui sont susceptibles de fixer le cours d'un instrument financier à un niveau anormal ou artificiel est susceptible non seulement de constituer le manquement boursier de diffusion d’informations fausses ou trompeuses mais également un délit pénal (C. mon. fin. art. L 465-3-2).
En l’espèce, il ne faisait pas de doute que la sanction prononcée par l’AMF pour le manquement boursier mettait fin à l’action publique pour le délit pénal de diffusion d’informations fausses ou trompeuses. En effet, le ministère public ne peut pas mettre en mouvement les poursuites pénales pour ce délit lorsque l’AMF a procédé à la notification des griefs pour les mêmes faits et à l’égard de la même personne (C. mon. fin. art. L 465-3-6).